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significatif : l’Existence certaine du monde des esprits. Il cherche à y établir qu’il y a communication incessante et comme commerce quotidien entre le monde naturel et le monde surnaturel, et, pour ce faire, il ne craint pas de prendre ses autorités dans les superstitions foncièrement populaires. Ce n’est pas sans surprise qu’on le voit, par exemple, citer comme preuves de ces relations entre esprits et humains, les chandelles de mort (corpse candles, ou en cambrien canhwyllan cyrph) du pays de Galles. Ceux qui ont lu la charmante excursion de George Borrow dans le pays de Galles savent en quoi consiste cette superstition. Ce sont les feux follets faisant office de prophètes pour les morts prochaines, principalement pour les morts par submersion. Lorsqu’on aperçoit une de ces lumières dansantes, on peut se tenir pour sûr que l’arrivée d’un cadavre n’est pas loin. Il faut aussi faire très attention à la marche de la lumière et aux circuits qu’elle parcourt, cela indique la manière dont la mort s’accomplira et quel chemin suivra le trépassé pour aller à sa demeure dernière. Ainsi on vit un jour une de ces lumières courir, comme prise de vertige, tout le long d’une certaine rivière, sans fin ni trêve, pendant un fort long temps ; on eut l’explication du fait lorsque, quelques jours plus tard, une jeune amazone se fut noyée après avoir longtemps monté et descendu la rive pour trouver un gué sans pouvoir y réussir. Les adeptes du spiritisme seront aussi heureux d’apprendre qu’ils comptent Richard Baxter parmi leurs précurseurs. Comme les corpse candles, les rapping spirits sont essentiellement d’origine galloise[1]; mais nul n’est prophète dans son pays, pas plus les superstitions que les superstitieux, et c’est en Amérique que les rapping spirits devaient arriver à la haute fortune et aux brillantes destinées que vous savez. En Angleterre, et à cette fin du XVIIe siècle, on voit par le livre de Baxter qu’ils n’étaient encore que des agens d’édification qui venaient avertir le fidèle de se détourner du mal, de fuir l’ivrognerie et autres vices qui menaçaient d’une mauvaise mort. Ils ont progressé avec le temps, et ils ont porté de nos jours des messages plus variés, plus équivoques et plus amusans.

Isaac Walton est l’auteur d’un de ces livres, comme il s’en rencontre un ou deux dans chaque pays, qui ont eu l’heureuse fortune de se faire accepter même des ignorans les plus épais. Le Pêcheur accompli, ou la récréation de l’homme contemplatif, il n’est pas de si humble ménage rustique où ce livre ne se rencontre sur

  1. Un des hommes les plus remarquables de l’Angleterre du moyen âge, Gérard le Cambrien, le précepteur de Jean Sans-Terre, dans son Itinéraire du pays de Galles, écrit à la fin du XIIe siècle, a raconté longuement les prouesses de ces esprits tapageurs qui se riaient même des exorcismes.