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service de santé dans l’armée royale. Mais ici comme dans les autres parties de l’administration et de la constitution militaires, l’impulsion une fois donnée ne devait plus s’arrêter, et c’est à une véritable transformation que nous font assister les dernières années de l’ancien régime : création, en 1772, d’une commission de santé chargée d’inspecter les hôpitaux ; fondation à Strasbourg, Metz et Lille, en 1775, de trois grands amphithéâtres destinés à former des médecins et des chirurgiens ; établissement, en 1777, d’un concours entre les médecins, chirurgiens et apothicaires admis dans les amphithéâtres pour l’obtention des places vacantes dans les hôpitaux ; fondation, en 1781, de deux nouveaux amphithéâtres à Brest et à Toulon ; suppression, en 1788, de l’ancienne administration des hôpitaux, et création en son lieu et place d’un directoire des hôpitaux militaires chargé de toute la partie médicale, de manière que, « agissant séparément en ce qui les concerne, ces deux commissions puissent au besoin réunir leurs lumières. » La même ordonnance établissait qu’à l’avenir les hôpitaux seraient partagés en deux classes : les uns formés à la suite des régimens et sous le nom d’hôpitaux régimentaires et entretenus sous la surveillance des conseils d’administration au moyen d’une masse spéciale ; les autres placés dans les cinq grands hôpitaux déjà pourvus d’amphithéâtres, sous la désignation d’hôpitaux auxiliaires. Excellentes réformes inspirées par des vues justes et par le sentiment de haute philanthropie dont toute l’administration de Louis XVI était pénétrée. Elles ne devaient malheureusement pas aboutir, en fait, à des résultats aussi complets qu’on eût pu l’espérer. Il leur eût fallu, pour détruire tant d’abus invétérés et pour s’asseoir, le concours du temps, la durée, sans laquelle il ne se crée jamais rien de solide ; elles ne l’eurent pas. Avant d’être emporté, le gouvernement de Louis XVI eut pourtant la consolation de voir ses efforts couronnés par le suffrage des plus hautes autorités médicales et scientifiques. En 1787, l’Académie des Sciences, ayant recherché la proportion des soldats morts dans les hôpitaux militaires de France et d’Angleterre, trouva que la mortalité dans la dernière période quinquennale avait été de 1 sur 42 dans les premiers et de 1 sur 25 dans les seconds. Deux ans plus tard, en 1789, M. Coste, premier médecin des armées, établissait de son côté que, sur 3 malades portés à l’Hôtel-Dieu de Paris, il en mourait 1, tandis que sur 40 soldats entrés en temps de paix dans les hôpitaux militaires, il n’en mourait qu’un[1] ! Quel éloge vaudrait ces chiffres !

  1. Xavier Audouin, Histoire de l’administration de la guerre. Le même écrivain rappelle à ce sujet que la réputation des chirurgiens français était déjà si bien établie que Frédéric II, lorsqu’il organisa le service de santé, y créa deux places de chirurgiens français.