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toutes les molécules de celui-ci contribuent sans exception à exercer des efforts de même sens, qui, bien qu’inégaux, se superposent et s’ajoutent entre eux. Mais, dans le cas d’un point intérieur, les particules attirantes, disposées dans tous les sens, se contrarient mutuellement, et une partie des forces mises en jeu est détruite. Il ne reste comme produisant un effet vraiment utile que le noyau sphérique dont le rayon est égal à la distance au centre de la masse attirée. Celle-ci étant supposée parvenue jusqu’au centre même, notre sphère idéale a un rayon nul et l’attraction est elle-même égale à zéro ; il suffit, pour le prévoir, de remarquer qu’aucune raison ne saurait faire mouvoir un objet quand il est également sollicité dans toutes les directions par des influences identiques.

Ainsi, au centre de la terre, plus de pesanteur : le père Kircher, dans son Mundus subterraneus, examine soigneusement, avec figures à l’appui, comment se comporteraient un homme, une plante, un oiseau transportés à travers les profondeurs du globe jusqu’au cœur de l’univers. Nous ne le suivrons pas dans son expédition.

Abordons toutefois l’examen d’un curieux paradoxe, qui va nous conduire à des conséquences aisées à prévoir par la mécanique. Imaginons un vide, un creux sphérique occupant l’intérieur de notre petit monde et placé bien concentriquement à celui-ci. La pesanteur sera identique pour tous les points contenus dans cette caverne, qu’ils soient rapprochés ou éloignés des parois ; mais comme, au centre commun de la terre et de notre cellule hypothétique, l’attraction est manifestement nulle, il en est de même dans toute la capacité. Comme, de plus, cette anomalie est indépendante des dimensions du creux, pourvu qu’il soit régulièrement découpé, on pourrait, à la rigueur, sans blesser les lois d’ensemble de la mécanique céleste, concevoir le globe comme formé d’une croûte mince, mais fort dense, enveloppant un espace creux de dimensions un peu moindres au sein duquel aucune pesanteur ne se ferait sentir. Qui empêche même de se mettre en frais d’imagination et de peupler ce séjour souterrain d’êtres animés dégagés de tous liens terrestres ? Cette fantaisie ne repose sur aucun fondement ; tout au contraire, la science contemporaine ne manque pas de bonnes raisons pour croire que l’ensemble de l’intérieur du globe est plus dense et plus riche en matières que les couches superficielles. Cependant, après des millions d’années, si les prophéties de M. Faye se réalisent, l’excavation se formera peu à peu par suite du refroidissement de l’univers.

Une dernière hypothèse : creusons par la pensée, entre Paris et les antipodes, un puits gigantesque dont le milieu coïncidera avec le point sans attraction. Laissons tomber dans ce puits un corps