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de laquelle le globe effectue sa rotation diurne ne conserve pas toujours dans l’espace une direction absolument fixe ; cette ligne oscille lentement, de façon à ce que sa direction, prolongée dans l’espace, aille effleurer, tantôt une étoile, tantôt l’autre. Actuellement, l’axe du monde aboutit non loin de la Polaire, mais dans douze mille ans il pointera sur Véga de la Lyre, pour s’écarter ensuite de cette brillante étoile. Le balancement que subit ordinairement le pivot métallique d’une toupie en mouvement peut fournir le sujet d’une comparaison. Depuis longtemps l’on a reconnu la cause de la précession des équinoxes, compliquée elle-même d’une perturbation secondaire nommée nutation ; le tout dérive de l’action du soleil et de la lune sur le renflement équatorial, et le raisonnement prouve que la distribution interne de la matière influe sur cette sorte de tremblement, qui doit être d’autant plus atténué que le noyau est plus lourd et les couches périphériques plus légères, puisque, dans ce dernier cas, l’importance relative du bourrelet est moindre.

Il y a près de quarante ans que parut le premier mémoire de Roche sur la question qui nous occupe. Après avoir mis de côté l’hypothèse de l’homogénéité, complètement abandonnée aujourd’hui, le professeur montpelliérain formula une règle assez simple : la densité moyenne est double de la densité superficielle, mais elle est à peu de chose près égale à la moitié de la densité au cœur du globe. Ainsi, il admet implicitement l’existence de deux masses dissemblables dont la plus lourde est intérieure.

Ces vues ne tardèrent pas à être confirmées d’une manière éclatante par les expériences de l’astronome anglais Airy, lequel a longtemps dirigé l’observatoire de Greenwich. Il s’agissait d’étudier les variations de la pesanteur à l’intérieur de la terre. Le principe adopté était, du reste, fort simple. A la surface du globe, ces changemens de forces attractives sont accusées par le pendule qui décrit des oscillations d’autant plus lentes que la gravité est moins forte. Par exemple, le pendule bat moins vite à Paris qu’à Stockholm, aux Antilles qu’en Islande, parce qu’à mesure que l’on s’avance vers l’équateur, l’accroissement du rayon terrestre, d’une part, et d’autre part, l’influence de plus en plus marquée de la force centrifuge produite par le mouvement diurne, contribuent simultanément à l’affaiblissement de la pesanteur. Une horloge de précision bien réglée à l’Observatoire de Paris retarderait de plusieurs secondes par jour si on la transportait à Cayenne, comme il arriva en 1672 à l’astronome Richer[1]. Ceci posé, installons, comme le fit Airy, au

  1. Il serait du reste facile de remédier à cet inconvénient en raccourcissant quelque peu le balancier. Inversement, si l’on se rapproche du pôle, la tige doit être allongée. Une pareille perturbation qui, toute minime qu’elle semble, n’en est pas moins susceptible de nuire gravement aux observations nautiques ou astronomiques, ne saurait affecter les chronomètres de marine. Dans les appareils de ce genre, l’échappement est produit par un ressort dont l’élasticité ne dépend que des actions moléculaires mises en jeu, et nullement de l’intensité de la pesanteur.