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chose qu’on y décide, on fera ailleurs ce qu’on voudra, avec ou sans moi[1]. »

La réponse annoncée fut donnée, en effet, dès le lendemain, sous la forme d’un long mémoire, dont les considérations, très développées, pouvaient se résumer pourtant en une seule pensée : refus absolu de faire avec le roi de Prusse un arrangement quelconque d’où pût résulter l’éloignement d’un seul bataillon de la frontière prussienne. — « Il y a des paix, disait le mémoire, mille fois plus funestes que la guerre même, puisqu’elles exposent des peuples à des calamités plus grandes encore, et que peu à peu elles ôtent absolument toute ressource pour se sauver. En peu d’années la reine en a fait la triste épreuve, et les pauvres peuples se ressentiront au-delà de mémoire d’homme de ce qu’il leur en a coûté… La reine pourrait-elle, sans se rendre responsable devant Dieu, la postérité et ses peuples, sur une simple lueur d’espérance et à la vue d’un ennemi si dangereux, dégarnir ses pays héréditaires des seules troupes qui lui restent pour les envoyer à cent lieues de leur frontière ? .. Que deviendrait alors la reine ? Pourrait-elle demeurera Vienne ? Où trouverait-elle un asile ? Elle est non-seulement reine, mais encore chérie de ses peuples, et ne saurait, par conséquent, sans blesser la conscience, les exposer à une perte totale et certaine après qu’ils ont prodigué leur sang et leurs biens non-seulement pour sa défense, mais pour le bien de toute l’Europe. » — D’ailleurs, la reine avait des engagemens envers le roi de Pologne en Allemagne, et le roi de Sardaigne en Italie, qui ne lui permettaient pas de traiter sans leur concours, encore moins de laisser l’un d’entre eux exposé aux ressentimens de son voisin de Prusse.

Mais si la reine, ajoutait le mémoire, ne pouvait consentir, pour complaire aux puissances maritimes, à mettre en péril la sécurité de ses propres états, il y avait un autre moyen, plus efficace et moins périlleux, de leur venir en aide qu’elle mettait à leur service : c’était, aussitôt après l’élection qui allait avoir lieu à Francfort (et dont le résultat n’était plus douteux), de faire avancer sur les points menacés le corps d’armée qui stationnait aux entours de la ville impériale, sous

  1. Robinson à Harrington, 5 août 17(5. (Correspondance de Vienne. — Record office) — Cette conversation a-t-elle eu lieu avant que l’on fut informé à Hanovre du débarquement du prince Charles-Edouard en Écosse ? c’est ce qu’il est difficile de savoir, l’irrégularité et la lenteur des communications épistolaires étant telles à cette époque qu’il est impossible de suivre exactement le sort des correspondances. Ce mois d’août 1745 est plein d’événemens de tout genre, également importans, qui se produisent sur des théâtres différens. J’ai vainement essayé de déterminer comment ces divers incidens ont agi les uns sur les autres et sur les dispositions de ceux qui s’y trouvaient mêlés.