en romantique défroqué, dirait Henri Heine, le goût du surnaturel. De tous ses ouvrages, Rienzi et les Maîtres chanteurs seuls n’empruntent rien au merveilleux. Mais le surnaturel, chez Wagner, prend des caractères variés : poétique dans Tannhäuser, émouvant dans le Vaisseau-Fantôme, et surtout dans Lohengrin, où il s’humanise ; grandiose dans la Valkyrie ; puéril et stupide dans Rheingold et dans Siegfried, il touche au sublime dans Parsifal.
Lohengrin, en son magnifique récitatif d’adieu, nous a parlé jadis de Parsifal, son père. Voici le sujet du drame, qui, selon la logique d’un bon cyclus allemand, serait la préface de Lohengrin. Au cœur des Pyrénées espagnoles, dans un monastère presque inaccessible et appelé Montsalvat, il existe un ordre de chevaliers pieux. Ils gardent une inestimable relique, quelques gouttes du sang de Jésus-Christ, recueillies dans un calice de cristal, le Saint-Graal. A des jours et selon des rites prescrits, tous ces hommes se réunissent pour célébrer d’étranges mystères. Leur chef ou leur prêtre se fait apporter le Graal et le découvre. Alors le sang divin s’échauffe et s’illumine, une joie mystique, une volupté sainte descend sur les chevaliers. Tous prient, adorent ensemble, et répétant les paroles mêmes de Jésus, ils communient en souvenir de la Cène.
Au début de Parsifal, la colère de Dieu pèse sur le Montsalvat. Le roi Amfortas, violant ses vœux, a cédé aux séductions d’une magicienne, Kundry. L’enchanteur Klingsor, complice de cette femme, a su dérober la lance qui fit jaillir le sang de Jésus et que l’on conservait auprès du Graal, et de cette lance il a blessé le roi. Ni les herbes de la forêt, ni les eaux du lac ne rafraîchissent la plaie d’Amfortas, et, pour comble de misère, quand revient le jour des cérémonies saintes, le roi n’y peut désormais présider sans que redouble sa torture. La seule vue du sang divin exaspère sa souffrance et son remords. Si doux jadis, aujourd’hui cruel, son ministère l’importune et l’épouvante. Il voudrait se soustraire au terrible sacerdoce et suspendre les rites sacrés, dussent tous les chevaliers, sans force et sans vertu, sentir chanceler leur foi et s’attrister leur âme.
Le salut d’Amfortas ne lui viendra que d’un singulier sauveur, de « l’homme ignorant et pur, instruit par la compassion : Durch Mitleid wissend, der reine Thor. » Ne nous étonnons pas encore, et poursuivons. — Parsifal sera cet homme. Il a pénétré dans les bois qui entourent le Montsalvat et tué par mégarde un des cygnes sacrés. On le saisit, on l’interroge, et son air interdit, son ignorance du monde et de lui-même, sa naïveté, presque sa niaiserie, trahissent le rédempteur attendu. Un vieux chevalier, Gurnemanz, le conduit au monastère, et, caché dans le temple, il assiste à ces