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mystères de religion et de souffrance qui doivent l’instruire et l’illuminer. Hélas ! il n’y comprend absolument rien, et son guide, dépité, le met à la porte.

Au second acte, Klingsor, pour empêcher le salut d’Amfortas, ordonne à Kundry de séduire le jeune homme et de corrompre en lui l’innocence qui fait sa force. Mais cette fois la femme est impuissante. Le souvenir d’Amfortas, de la souffrance contemplée, défend Parsifal des voluptés offertes ; en son cœur que remplit la pitié, l’amour ne saurait trouver place. En vain Klingsor accourt et brandit la lance sainte : le héros la saisit au vol et s’éloigne victorieux.

Égaré dans la montagne, il a perdu le chemin du monastère. Il a erré longtemps et vieilli de quelques années lorsqu’il retrouve enfin Gurnemanz et Kundry elle-même, mais tout autre qu’autrefois. Le personnage de Kundry est parfaitement incompréhensible, et les raisonneurs allemands ne l’expliqueront jamais. Cette femme est un démon et un ange. Une loi mystérieuse la contraint au péché jusqu’au jour où l’homme qu’elle n’aura pu séduire la rachètera par le mérite de ses chastes refus ! Belle tout à l’heure et parée comme une courtisane, la voici pénitente. Lorsque Parsifal revient, épuisé de lassitude, lorsqu’il s’assied au seuil de Gurnemanz, sous les arbres de la forêt, Kundry s’approche en silence. Elle détache l’armure et les sandales du chevalier vierge. Elle lave et parfume ses pieds meurtris, elle les essuie de cette chevelure qui se dénouait jadis pour de moins pures caresses. Elle humilie et sanctifie cette chair tant de fois coupable, au contact presque divin de celui qui la méprisée et sauvée.

De Kundry comme d’Amfortas Parsifal a pitié. A son tour, il verse l’eau sur le front de la pécheresse ; il la bénit et la relève. Puis, il marche vers le Montsalvat. C’est le vendredi-saint, et les chevaliers adjurent Amfortas épuisé, mourant, de découvrir encore le Graal. Il s’y refuse, et déjà ses compagnons le menacent, quand Parsifal paraît. De la lance reconquise il n’a qu’à toucher la blessure du roi pour la guérir. Proclamé lui-même à la place d’Amfortas, il monte à l’autel et de ses mains pures élève le calice. L’œuvre de miséricorde est accomplie, et sur la foule agenouillée redescendent avec les délices mystiques les grâces et les bénédictions.

Tel est ce drame, ou plutôt ce mystère. L’œuvre suprême de Wagner est religieuse par l’esprit et par la lettre. Son titre allemand[1], le nom du théâtre de Bayreuth[2], le seul où elle soit

  1. Bühnenweihfestspiel.
  2. Bühnenweihfeitspielhaus !