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l’aïeul censé de Jésus, celui que l’opinion de l’humanité a couronné de toutes les auréoles. Telle est la justice de Iahvé; le monde appartient à ceux qui lui plaisent.

Dans une des campagnes contre les Philistins, dont le théâtre fut le ouadi des Chênes, près de Soco, et Éphès-Dammim, en Juda, on commença de remarquer un Bethléhémite nommé Daoud ou David, fils d’Isaï. Ce jour-là, on admira surtout l’héroïsme d’un certain Éléazar, fils de Dodo l’Ahohite, qui, presque seul, arrêta les Philistins vainqueurs. David fut tout le temps à côté de lui, combattant avec rage. La réputation du jeune guerrier grandit promptement. Il était brave, hardi, adroit, et, à l’égal des Benjaminites, excellent frondeur. Mais ce qu’il avait de plus extraordinaire, c’étaient ses qualités civiles et sociales. Il naît parfois, dans cet Orient sémitique, habituellement dur et rébarbatif, des prodiges de grâce, d’élégance et d’esprit. David fui un de ces charmeurs. Capable des plus grands crimes, quand les circonstances l’exigeaient, il était capable aussi des sentimens les plus délicats. Il savait se rendre populaire ; dès qu’on le connaissait, on s’attachait à lui. Son type de figure tranchait sur les visages basanés de ses contribules. Il avait le teint rose, des traits fins et aimables, une parole douce et aisée. De très anciens textes le présentent comme habile cithariste et poète exercé.

Il semblait avoir été créé pour réussir. C’était le premier homme de Juda qui fût arrivé à la notoriété. Il bénéficiait en quelque sorte des efforts anonymes qui l’avaient précédé. Une circonstance qui fait bien de l’honneur à Jonathas, c’est la vive amitié qu’il conçut pour ce jeune homme, jusque-là inconnu, aussi brave et plus intelligent que lui, qui devait un jour être si funeste à sa famille. Il le vêtit, l’arma, et les deux jeunes gens firent une alliance à la vie et à la mort.

David fut bientôt chargé de razzia, où il réussit admirablement. On l’aimait beaucoup dans tout Benjamin. Au retour d’une expédition où il s’était trouvé avec Saül, les femmes des villages qu’on traversait sortaient au-devant des vainqueurs, en dansant, agitant leurs sistres et chantant des chœurs. Or le refrain de ce jour-là fut :


Saül en a tué mille,
Et David dix mille.


Le tempérament de Saül le disposait à la jalousie. On eût été, d’ailleurs, il faut le dire, jaloux à moins. Il y a des hommes que la popularité devance, presque sans qu’ils l’aient cherchée, que