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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/867

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les hyperboles orientales et les raffinemens byzantins au ton patriarcal et biblique cher aux Russes. L’adulation s’y montrait parfois tellement outrée qu’Alexandre Ier se crut obligé d’interdire par ukase « qu’on appliquât, dans les sermons, à Sa Majesté Impériale, des louanges qui n’appartiennent qu’à Dieu. »

Évêques et archevêques ont, vis-à-vis des prédicateurs du bas clergé, un immense avantage; ils n’ont pas à compter avec la censure. Naguère encore, d’après les règlemens édictés sous Nicolas, les sermons, composés par de simples prêtres, devaient être soumis à l’approbation de leurs supérieurs ou à la censure ecclésiastique. On conçoit ce qu’une pareille obligation avait de peu encourageant pour de pauvres popes, d’ordinaire peu versés dans l’art d’écrire. La censure ecclésiastique s’est aujourd’hui relâchée de ses prétentions; la langue du pope a été déliée. Les pessimistes disent qu’on n’a pas toujours à s’en féliciter. Il est des prêtres qui ne savent pas peser leurs paroles. C’est ainsi que, en 1884, un curé du diocèse de Tver (village de Vernovo) s’était fait accuser d’avoir, dans un sermon, excité les paysans contre les propriétaires.

La prédication a-t-elle pris, dans les dernières années, un essor inattendu, la cause en est toute profane. Ici encore, le clergé a cédé à l’impulsion du dehors. L’église (on pourrait presque aussi bien dire l’état) s’est-elle efforcée de rendre au peuple le sermon évangélique ; c’est dans un intérêt politique presque autant que dans un intérêt religieux. La chaire, de même que l’école, a paru un moyen d’agir sur le peuple. Pour la guerre contre les doctrines subversives, on a enrôlé l’éloquence chrétienne. Le pope a été appelé à l’aide du gendarme. Au sourd apostolat des propagandistes révolutionnaires, on a tenté d’opposer la parole de Dieu. Les conspirations ont remis en honneur la prédication.

Le principal souci des pasteurs russes, de ceux, notamment, qui portent la houlette épiscopale, est de prémunir leur troupeau contre les pièges du loup « nihiliste. » Cette préoccupation est d’autant plus naturelle qu’en combattant les ennemis de l’état, ils ont conscience de combattre les adversaires de l’église. Le gouvernement ne saurait reprocher au clergé, au haut clergé du moins, son inaction. Le haut-procureur a tout lieu d’être satisfait du zèle des évêques. La plupart ont en personne conduit leurs prêtres à la défense de l’autocratie. Les prélats orthodoxes ont, comme l’évêque de Viatka, invité le clergé à inculquer à ses ouailles de « bons principes religieux et politiques. » Les mandemens et les discours épiscopaux ont été remplis de dissertations politico-sociales, et les simples prêtres se sont efforcés d’imiter leurs chefs. La fidélité au tsar et au trône a été le thème d’une multitude d’homélies. Les fêtes