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inégalités sociales et politiques. Le parti des ouvriers socialistes allemands, tout en exerçant plus directement son action dans les limites du pays, n’oublie pas que le mouvement ouvrier a un caractère international. Il est décidé à remplir tous les devoirs que cette situation impose aux travailleurs, pour que la théorie de l’union fraternelle des hommes devienne enfin une réalité. »

Ainsi, impossible de s’y méprendre, la profession de foi et la déclaration de principes du parti ouvrier allemand affirment le caractère international du mouvement entrepris pour l’émancipation prétendue des travailleurs, pour la substitution de l’état socialiste à la société actuelle. Cette déclaration de guerre sans merci à l’ordre existant sépare les ouvriers de toutes les autres classes sociales, sans exception. Par le fait qu’ils adhèrent au programme, les socialistes renoncent à avoir une patrie particulière : s’ils exercent encore les droits attachés à leur qualité de citoyens allemands, c’est comme moyen d’atteindre le but du communisme cosmopolite. Le programme de Gotha reflète le manifeste de l’union internationale proclamé à Londres par Karl Marx, le prophète reconnu du parti, qui prêche en termes clairs et nets la nécessité d’une révolution violente : « L’état moderne, avec son système de gouvernement, est seulement une délégation qui administre les affaires communes de toute la classe bourgeoise. La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Là où elle est arrivée à la domination, elle a détruit toutes les conditions féodales, patriarcales, idylliques. Elle a déchiré impitoyablement les liens féodaux bigarrés qui attachaient l’homme à son supérieur naturel, et n’a laissé subsister d’homme à homme d’autre lien que l’intérêt nu, que le paiement au comptant sons sentiment. Elle a dissous la dignité personnelle en valeur d’échange, et, en place des innombrables libertés garanties et bien acquises, elle a mis celle d’un libre-échange sans conscience. En un mot, elle a remplacé l’exploitation, voilée d’illusions religieuses et politiques, par l’exploitation ouverte, directe, sèche et éhontée. » De là la conclusion finale : « Les communistes dédaignent de faire un secret de leurs intentions et de leurs vues. Ils déclarent ouvertement que leur but ne peut être atteint que par le renversement violent de tout ordre social existant jusqu’à présent. Que les classes dominantes tremblent devant une révolution communiste ! Les prolétaires n’ont rien à y perdre que leurs chaînes. Ils ont à y gagner un monde. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

Tel étant le but à atteindre, quels sont les moyens à mettre en œuvre pour y arriver ? La convention de Gotha recommande aux socialistes le suffrage universel direct, égal, obligatoire ; la législation