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LA VIE DE CHARLES DARWIN.

les plus importantes ont été : l’amour de la science, une patience sans limites pour réfléchir sur un sujet quelconque, l’ingéniosité à réunir les faits et à les observer, une moyenne d’invention aussi bien que de sens commun. Avec les capacités modérées que je possède, il est vraiment surprenant que j’aie pu influencer à un degré considérable l’opinion des savans sur quelques points importans.


Installé à Down, Darwin y travaille avec plus d’ardeur que jamais. Il n’est guère connu du public encore ; en dehors de certains savans qui l’apprécient fort, comme Lyell, nul ne s’occupe de lui. Son volume sur les récifs de corail voit le jour en 1842, et un autre travail sur les îles volcaniques en 1844. Le volume sur les récifs de corail présente un grand intérêt. Cette œuvre a conquis pour Darwin une place éminente dans l’histoire de la géologie ; les conclusions en ont été amplement confirmées, et sa théorie est acceptée des géologues en général. De 1842 à 1854, Darwin publie divers travaux. Malgré sa mauvaise santé pendant ces douze années, il ne passe que quinze mois hors de Down, dont près de cinq mois à Malvern, à différentes reprises, pour son hydrothérapie. Ses autres excursions sont motivées par des visites à la famille et des congrès de sociétés savantes. Parmi ses œuvres de cette époque, il y a divers travaux zoologiques et géologiques entre lesquels il convient de signaler un travail géologique pour une publication de l’Amirauté, et l’ouvrage sur les cirripèdes vivans et fossiles. Ce travail lui a pris beaucoup de temps, huit ans, et il se demande souvent si le sujet en valait la peine. L’on apprend, par son Journal, combien de temps chaque partie de cet ouvrage lui a pris. Ce travail le fatigue et l’ennuie beaucoup ; il le trouve très aride, et la matière a été si mal étudiée qu’il reste beaucoup à faire pour lui. Ce n’est cependant pas du temps perdu, comme le montre Huxley dans une lettre à F. Darwin ; cela a été un exercice très utile, qui lui a donné l’habitude de l’anatomie pure, et lui a fait comprendre les difficultés de l’observation. Ce travail, qui l’oblige à des recherches bibliographiques étendues, lui suggère quelques idées qu’il développe dans sa correspondance avec Hooker et Strickland, en particulier sur la très fâcheuse habitude qu’ont les naturalistes de dernier ordre de chercher à se faire connaître par des descriptions de genres nouveaux ou par de nouvelles descriptions d’êtres déjà connus. Il est d’usage, en effet, que le zoologiste qui décrit une espèce à nouveau, ou pour la première fois, la baptise comme il lui convient, en accolant son nom à celui de l’animal. La description reposant en général sur des caractères purement extérieurs, il en résulte que les classificateurs, — les coquillards, selon l’expression vulgaire, qui provient de ce que ce sont les ama-