ce sera l’homme de guerre. Les lauriers conquis dans le Tage sont les seuls qui ne se faneront jamais.
Au mois de juillet 1821, le capitaine de vaisseau Roussin repartait pour le Brésil, à la tête d’une division navale composée de la frégate l’Amazone qu’il montait, de la corvette l’Espérance du brick, le Curieux et de la goélette la Lyonnaise. Au mois de septembre de la même année ; il reçoit l’ordre de passer, avec l’Amazone, dans la mer du Sud. Les frégates la Clorinde, commandée par le capitaine de Mackau, la Pomone, confiée au capitaine Fleuriau, sont déjà en observation dans les ports du Chili : elles se rangeront, dès son arrivée, sous ses ordres. « La mission ostensible, a écrit le baron Portal dans ses remarquables mémoires, était de faire des reconnaissances et des vérifications hydrographiques ; le but réel et secret, d’étudier ce qui se passait, de cotiser avec Bolivar et de nous préparer au rôle que nous aurions à jouer. » La situation de cette division lancée audacieusement au-delà du cap Horn fut pendant un instant assez critique. L’Angleterre, toujours prête à régenter le monde, semblait vouloir s’opposer à notre intervention en Espagne ; comme elle nous menaça plus tard de s’opposer à notre expédition d’Alger. Le commandant Roussin opéra sa retraite vers les mers d’Europe sans attendre les instructions, ne prenant conseil que des circonstances, et montrant pour la première fois cet esprit de décision qui le marquait d’un cachet à part. Sa conduite fat approuvée : on l’en récompensa, le 17 août 1822, par le grade de contre-amiral.
Un contre-amiral de quarante-un ans ! cela ne se voit pas souvent aux jours où nous sommes. Même après le sanglant et magnifique combat livré par l’Aréthuse[1], le 7 février 1813, combat qui, au dire de Decrès, « laissait bien loin derrière lui celui de la Belle-Poule en 1778, celui de la Nymphe en 1780, et tous les autres qui ont eu plus ou moins de célébrité, » la promotion de Bouvet au grade d’officier-général paraîtra encore au trop scrupuleux ministre « prématurée. » Bouvet n’a que trente-huit ans ! On se contentera de le nommer officier de la Légion d’honneur. En 1822, Bouvet est toujours capitaine de vaisseau. Serait-il, par hasard, astronome insuffisant ? Rédigerait-il mal ses rapports ? Nous savons cependant par le précis de ses campagnes, opuscule excellent qu’il publia en 1840, que la plume en ses mains eut, quand il le fallait, toute la vigueur de sa vaillante épée. Les César, les Napoléon, les Bugeaud, n’ont pas mieux écrit. Bouvet était de leur école.
- ↑ Voyez, dans la Revue du 1er novembre 1887, l’article intilulé : les Héros du Grand-Port.