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médiation de l’Angleterre, en un mot, suivant l’expression que M. d’Arneth emprunte à un document qu’il cite : entre deux chaises assis par terre. On insista donc auprès de Marie-Thérèse, et on finit par obtenir d’elle, non de révoquer les pouvoirs donnés au comte d’Harrach, mais d’en joindre de nouveaux destinés à lui servir, au pis-aller, dans un cas d’extrême nécessité. Si le malheur s’attachait encore une fois aux armes de l’Autriche, — si l’alliance avec la France était reconnue impraticable, — alors, mais alors seulement, le plus tard possible, et quand tout autre moyen de salut aurait échoué, d’Harrach fut autorisé à apposer sa signature à la convention de Hanovre, à côté de celle du roi d’Angleterre ; et ce fut muni de cette double instruction, qui allait le rendre pour un jour, arbitre de la destinée de son pays, que le plénipotentiaire autrichien arriva à Dresde le 15 décembre. Il y entra au bruit du canon d’une bataille vivement engagée, au même moment, à peu de distance de la ville[1].

C’était le prince d’Anhalt qui, suivant le plan dicté par Frédéric, se présentait devant la capitale de la Saxe pour en enlever de force l’entrée. Il avait tardé un peu plus que ses instructions le lui prescrivaient, d’abord dans l’espérance que, par suite de la demi-soumission et de la fuite du roi de Pologne, les portes de la ville s’ouvriraient d’elles-mêmes devant lui ; puis il avait tenu à se rendre maître, à Torgau et à Meissen, des ponts qui faisaient communiquer les deux rives de l’Elbe ; afin d’assurer un passage au gros de l’armée prussienne, qui, n’ayant rien à faire en Lusace, devait tendre à se rapproches du nouveau théâtre de la guerre. Ce délai, qui lui faisait perdre quelques jours, et que Frédéric blâma sévèrement, aurait pu sauver la cause des alliés ; car le général saxon Rustowski en avait profité pour réunir toutes les troupes, de l’électorat autour de Dresde, et le prince de Lorraine, remis en campagne par les ordres pressans de Marie-Thérèse, y arrivait lui-même à-grandes journées par la route de Leimeritz et de Freyberg. Le 13 au soir, il y était déjà de sa personne et tenait conseil avec Rustowaki sur les moyens de résister à l’attaque qui se préparait. Nul doute que, par une rapide concentration de toutes les forces saxonnes et autrichiennes, la ville, au moins ce jour-là, eût été préservée. Tout manqua encore une fois ; faute d’énergie et de concert ; mais dans cette occurrence, au moins, l’Autrichien ne fut pas le plus coupable. Le prince de Lorraine était prêt et offrait d’amener tout son monde. Ce fut Rustowski qui se persuada qu’il était en état, avec ses bataillons saxons, d’arrêter, peut-être de repousser, le prince d’Anhalt. Il engagea le prince à ménager ses troupes, afin de les

  1. D’Arneth, t. III, p. 157, 158, 443.