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Sévastopol ; le comte de Maisons et Louis de Rochechouart, qui initièrent les Nogaïs et les Zaporogues à la culture européenne ; le comte de Saint-Priest, qui fut président du tribunal de commerce à Odessa ; Sicard et Albrand, de Marseille, qui s’appliquèrent à multiplier les relations entre ces deux grandes villes commerçantes qui toutes deux portent un nom grec ; le chevalier de Rosset, inspecteur de la Quarantaine ; le conseiller de commerce Raimbert ; l’ingénieur Bazaine, père du trop fameux maréchal ; l’ingénieur Potier, qui dessina le boulevard maritime d’Odessa ; les architectes Schaal et Thomon qui donnèrent les plans de la Bourse et du théâtre ; l’horticulteur Dessemet, qui organisa le jardin botanique ; Pictet de Rochemont, Réveillod, les demoiselles Rouvier, qui créèrent des bergeries modèles ; Compère, fondateur d’un grand établissement d’agriculture ; Clari, qui monta une manufacture de coton à Caffa ; le marquis de Castelnau, qui écrivit l’Histoire de la Petite-Russie ; Devallon, qui lui donna son premier journal, le Messager de la Russie méridionale ; l’abbé Nicolle, qui fut le directeur d’abord de l’institut, puis du lycée d’Odessa ; Delavigne, Pagnes de Sauvigny, Belin de Ballu, Jeudy-Dugour, qui furent professeurs de l’université de Kharkof à ses débuts ; Paul Dubrux, qui inaugura les recherches archéologiques sur le littoral de la Mer-Noire. Tous ces Français, et bien d’autres dont l’énumération serait trop longue, rendirent presque plus de services à la Russie en créant sa grande colonie du midi que Napoléon ne lui avait fait de mal en prenant Moscou.


III

Dès qu’il avait appris la restauration de Louis XVIII, Richelieu lui avait écrit pour l’assurer que, « condamné par les circonstances les plus impérieuses et par les ordres précis de l’empereur à n’être que le spectateur éloigné de ces événemens, » il n’en ressentait pas une joie moins vive « et comme bon Français et comme fidèle serviteur. » Le souci de ses intérêts en France, un désir bien naturel de revoir les siens après une si longue absence, le besoin de récréer ses yeux et son esprit fatigués par les horreurs auxquelles la peste l’avait contraint d’assister, lui firent souhaiter de revoir le pays natal. Il espérait revenir ensuite dans « sa chère Odessa ; » mais ses administrés et ses collaborateurs avaient le pressentiment qu’ils lui faisaient des adieux définitifs. Le jour de son départ fut un jour de deuil pour la cité. Une foule immense l’accompagna jusqu’aux faubourgs ; plus de deux cents personnes le suivirent jusqu’au premier relai de poste pour partager avec lui un dernier repas. « Mes amis, épargnez-moi, répétait-il ; arrachez-moi à cette triste scène. »