d’équipement, de harnachement, et tous ces magasins étaient remplis jusqu’aux combles d’approvisionnemens de toute espèce.
Les panégyristes de Bugeaud et ceux de La Moricière se sont disputé pour ainsi dire le soldat, et, cherchant à l’accaparer chacun au profit de son saint, ils se sont efforcés d’attribuer exclusivement, les uns à celui-ci, les autres à celui-là, des innovations heureuses, des améliorations qui sont en fait l’œuvre commune de tous les deux et de quelques autres encore. Telle avait été imaginée par La Moricière aux zouaves ; telle par Bugeaud l’année de la Sikak ; telle au 2e léger par Changarnier ; telle par les troupiers eux-mêmes : ainsi du sac de campement décousu et transformé en tente-abri ; ainsi de la couverture coupée en deux ; ainsi de la large ceinture de laine plusieurs fois roulée autour du corps ; ainsi de la cravate de cotonnade substituée au col-carcan. L’administration, surtout les bureaux de Paris, avaient beau crier au scandale et menacer les novateurs d’imputer sur leur solde les dépenses non prévues, le progrès allait son chemin.
Les premières années qui suivent 1840 sont, grâce aux nécessités de la guerre d’Afrique, une époque de transition. Voici les chasseurs à pied, avec leur shako-casquette, leur tunique, leur ceinturon, leur cartouchière, leur carabine ; bientôt l’infanterie va délaisser les buffleteries croisées sur la poitrine ; le shako-boisseau sera peu à peu remplacé par le képi, qui s’appellera d’abord la casquette ; au fusil à pierre va se substituer l’arme à percussion.
Bugeaud comme La Moricière, La Moricière comme Bugeaud, encouragent ces transformations. Ils ont les mêmes idées sur l’allégement des colonnes, et par conséquent des élémens qui les composent. Bugeaud écrit d’Alger, le 14 avril, à La Moricière : « Je vois avec grande satisfaction que vous vous occupez des détails ; c’est avec les détails bien faits et constamment soignés que l’on obtient des succès à la guerre. Malheur aux généraux qui négligent les détails ! Simplifiez vos sacs autant que possible : ils ne doivent contenir qu’une chemise, une paire de guêtres, une trousse réduite au strict nécessaire, les cartouches et les vivres. Les soldats ne doivent porter que la paire de souliers qu’ils ont aux pieds, mais il faut qu’elle soit bonne et déjà essayée. »
Quand le général Bugeaud débarqua, le 15 mai, à Mostaganem, avec le duc de Nemours, il trouva tout, hommes et choses, dans le plus bel ordre. Les troupes amenées d’Oran par La Moricière comprenaient : un bataillon du 6e léger, deux bataillons du 13e léger, deux du 15e léger, deux du 41e de ligne, deux du 56e, à quoi il faut ajouter les deux bataillons de zouaves venus d’Alger avec le gouverneur. La cavalerie se composait du 2e régiment de chasseurs d’Afrique, des spahis réguliers d’Oran, et de 500 Douair et