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Sméla. Comme, à Takdemt, il pouvait y avoir un siège à faire, des murs à renverser par le canon ou par la sape, le général Bugeaud emmenait par exception, outre une batterie de montagne, trois pièces de 8 et trois de 12, enfin un certain nombre de prolonges chargées de munitions, d’outils et d’engins à l’usage du génie. Outre les vivres charriés, chaque homme en portait pour huit jours dans le sac, et les chevaux de la cavalerie étaient chargés chacun de 60 kilogrammes de riz. Le corps expéditionnaire était formé en deux divisions, commandées, la première par le duc de Nemours, la seconde par La Moricière.

Des itinéraires tracés par le capitaine d’état-major de Martimprey, d’après les indications et les dires des indigènes recueillis par le commandant Daumas et le capitaine d’artillerie Walsin-Esterhazy, avaient permis de dresser une carte des communications entre Mostaganem, Mascara et Takdemt, et ce travail était si bien fait qu’après l’expédition le général Bugeaud put en signaler au ministre le mérite vraiment extraordinaire : « Nous n’avons trouvé, a-t-il dit dans son rapport, aucun mécompte ni sur les distances, ni sur la configuration des lieux, ni sur les eaux, ni sur les cultures. » A la direction théorique le capitaine de Martimprey allait joindre la direction pratique de la marche de chaque jour. Escorté des guides arabes et suivi d’un cavalier porteur d’un fanion décoré d’une étoile rouge sur fond blanc, il devait précéder d’une quarantaine de pas la tête de la colonne. Sous le surnom d’Étoile polaire, ce fanion ne tarda pas à devenir célèbre dans la division d’Oran.

Tout étant prêt et la place de chacun réglée dans la colonne, elle se mit en mouvement, le 18 mai. Huit jours après, le 25, sans autres incidens que l’échange de quelques coups de fusil à l’arrière-garde, elle déboucha devant un fort en pierre d’où s’élevait dans l’air immobile un long panache de fumée ; c’était Takdemt. Après y avoir mis le feu, Abd-el-Kader se tenait en observation avec une troupe de cavaliers sur la hauteur voisine ; on envoya contre lui les zouaves : il s’éloigna. Pendant ce temps, le lieutenant-colonel Pélissier, chef d’état-major de la division, entrait avec le capitaine de Martimprey dans le fort. Sous la première voûte, ils virent un chien et un chat pendus l’un en face de l’autre ; ces deux victimes allégoriques étaient là sans doute pour faire allusion à l’inimitié du musulman et du roumi. Le 26, dans la matinée, le génie fit sauter les magasins, la fabrique d’armes, et ouvrit de larges brèches dans les murs solidement construits. Aussitôt après l’explosion des fourneaux, le corps expéditionnaire se remit en marche, sauf une embuscade que le gouverneur laissa dans les ruines. Il avait bien prévu que les Arabes ne manqueraient pas d’y venir voir ; ils y vinrent