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Les instructions données par le gouverneur au général lui prescrivaient de constituer à Miliana comme à Médéa un approvisionnement de 500,000 rations et de 300,000 cartouches, de ne laisser que 800 hommes dans la dernière et 1,200 dans l’autre, enfin d’agir aux environs contre les tribus les plus hostiles. Cette année-là, quoiqu’on fût tout à la fin de septembre, la température était encore excessive. La journée du 20 fut particulièrement pénible. « Avec bien de la peine, dit le général Baraguey d’Hilliers dans son rapport, la colonne parvint à une lieue du Gontas ; mais, arrivés à ce point, beaucoup de soldats tombèrent épuisés de fatigue. Nous gagnâmes le col avec le convoi, et, avec tous les sous-officiers et brigadiers montés de la division, on envoya prendre les hommes dont la route était jonchée. » Miliana put être ravitaillée le lendemain. Un second convoi y fut conduit encore le 10 octobre. Dans ces deux expéditions, Ben-Allal disputa sérieusement à la colonne le défilé de Chab-el-Keta.

Que faisait cependant le général Changarnier ? Le gouverneur, qui, malgré ses griefs personnels, estimait à leur valeur les talens de ce vigoureux soldat, était assez en peine d’accorder cette considération de métier avec la préférence de goût qu’il avouait pour Baraguey d’Hilliers. Après avoir essayé d’abord de diriger sur Oran Changarnier, qui ne parut pas disposé à s’y rendre, il lui avait donné trois mois de congé ; mais, le congé passé, il fallut bien lui trouver de l’emploi. Baraguey d’Hilliers eut donc à lui céder, pour les derniers ravitaillemens de Médéa, le commandement de la colonne active. « Il entrait dans mes projets, écrivait avec un peu d’embarras le gouverneur au maréchal Soult, d’alterner ce commandement entre ces deux officiers, tous deux très appréciables. »

Au retour de Médéa, le 29 octobre, Changarnier trouva, — on pourrait plus exactement dire se procura, — au bois des Oliviers, la chance d’un beau retour offensif contre Barkani, qu’il avait su attirer dans une embuscade très habilement préparée, a L’ennemi, dit le rapport du général, avait lâché pied et ne présentait plus qu’une masse confuse d’un millier de fantassins réguliers et kabyles et d’une centaine de cavaliers qui, pressés à l’extrême gauche par le commandant de Mac-Mahon, à la tête du 10e bataillon de chasseurs, au centre, par un bataillon du 24e et le 3e bataillon de chasseurs, à droite, par la cavalerie, que les colonels de Bourgon et Korte, et le capitaine d’Allonville, des gendarmes maures, poussèrent avec la plus grande vigueur sur des crêtes étroites et crevassées, se trouva cernée de trois côtés et refoulée contre un rideau de fer qui semblait devoir lui enlever toute chance d’échapper à notre poursuite ; mais ces marcheurs exceptionnels, jetant leurs