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intérieur dont peu d’honnêtes gens ont gravi les marches. Dans ces substructions, quatre-vingt-sept cellules ont été pratiquées, dans la pensée, pourrait-on croire, d’isoler chaque prévenu. Mais pour qu’on obtînt ce résultat, il aurait fallu en construire le double. La souricière ne reçoit pas seulement, en effet, les prévenus qui sont sur le point d’être jugés. Les inculpés, hommes ou femmes, dont l’affaire est en cours d’instruction, y viennent quotidiennement de Mazas et de Saint-Lazare pour y subir des interrogatoires. La population moyenne de la souricière est de 150 à 200 individus par jour, ce qui oblige à mettre deux ou trois détenus par cellule. C’est fournir aux uns l’occasion d’intimités malsaines et imposer aux autres l’humiliation de contacts dégradans, intimités et contacts d’autant plus étranges qu’un certain nombre de ces individus sont, comme prévenus, soumis à Mazas à l’isolement le plus rigoureux. Quant à la surveillance, il n’y faut pas compter. Non-seulement les individus enfermés ensemble dans chaque cellule peuvent faire tout ce qu’ils veulent, mais de cellule à cellule la conversation n’est pas impossible. Il n’est même pas sans exemple que des communications aient été échangées entre le quartier des hommes et celui des femmes, au temps où celui-ci était surveillé par un gardien, remplacé depuis lors par deux religieuses. Tous ces vices d’installation ont été maintes fois signalés par les chefs du parquet, sous la surveillance desquels est placé le dépôt judiciaire, et quelques améliorations ont pu être obtenues. C’est ainsi qu’on a épargné aux femmes un long défilé sous les regards et les lazzi des hommes enfermés dans leurs cellules, et qu’on a construit pour elles un certain nombre de cellules supplémentaires en bois, véritables petites boites qui rappellent les étroits compartimens des paniers à salade. Mais c’est là tout ce qu’on a pu faire, et le mal provenant de l’insuffisance du local est sans remède. C’est encore une affaire, je dirai d’architecture, pour ne pas dire d’architecte. Il fallait que le dépôt judiciaire tint dans les substructions de la police correctionnelle, et on l’y a fait tenir. L’emplacement était insuffisant : peu importe. On a entassé les détenus, et tout a été dit.

Arrivons maintenant aux sans-suite. C’est le terme consacré pour exprimer, ainsi que les mots mêmes l’indiquent, qu’il n’est donné aucune suite à l’arrestation. Le sans-suite peut être judiciaire ou administratif. Non-seulement, en effet, tous les individus qui sont traduits au petit parquet ne sont pas livrés par le petit parquet à la justice, mais tous ceux qui entrent au dépôt ne sont pas traduits au petit parquet. Le sort d’un certain nombre d’entre eux est réglé dans les bureaux mêmes de la préfecture de police, après examen des procès-verbaux de l’arrestation et interrogatoire sommaire. Mais quelle que soit l’autorité qui