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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/820

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vagabondage, aussi bien que la mendicité, est un de ces délits dont la misère est complice et dont le nombre oscille avec le niveau de la prospérité publique. Les poursuites pour vagabondage ont augmenté depuis quelques années ; la moyenne de la dernière période quinquennale a été de 15,000 ; celle de la période précédente était de 10,000. A quoi tient cette augmentation ? Tout simplement à ce que la crise industrielle et agricole a rendu plus difficile de trouver du travail. Il y a donc des vagabonds par misère, tout comme il y a des mendians. Dans quelle proportion ? cela est impossible à dire, car il faut reconnaître qu’il y a dans le nombre une certaine quantité de paresseux, qui ont le travail en horreur. Mais les traiter tous en criminels, et ne pas faire la distinction entre ceux qui ne veulent pas et ceux, qui ne peuvent pas travailler, est d’une extraordinaire dureté. La loi eût été plus humaine si elle eût traité les vagabonds comme les mendians, et si elle eût également prévu la création d’établissemens destinés à obvier au vagabondage. Mais cela seul ne suffirait pas, comme nous allons le voir par l’exemple des mendians.

En statuant que, dans les lieux où il existe un établissement pour obvier à la mendicité, tout mendiant même infirme, même accidentellement réduit à la misère, était punissable, le législateur a évidemment pensé que ces établissemens recueilleraient tous les infirmes, tous les individus incapables de subvenir à leurs besoins, ou du moins leur distribueraient des secours qui les dispenseraient de demander l’aumône sur la voie publique, sans quoi la disposition de la loi n’aurait aucun sens. Or en est-il ainsi dans la réalité des choses ? Remarquons tout d’abord qu’il n’existe en France que quarante et un dépôts de mendicité[1]. Il est vrai que certains départemens s’associent pour envoyer leurs mendians dans le même dépôt ; mais il n’en reste pas moins que près de la moitié des départemens français n’ont, contrairement à un décret de 1808 qui leur en faisait un devoir, créé aucun établissement pour obvier à la mendicité. Mais dans les départemens où il existe des dépôts de mendicité, ces dépôts sont-ils au moins assez spacieux pour recevoir tous les individus infirmes ou incapables de gagner leur vie ? Ou bien, si ces établissemens ne sont pas suffisons, les secours publics sont-ils organisés d’une façon assez prévoyante et assez large pour que toute misère accidentelle soit rapidement soulagée, et toute misère habituelle, résultant d’une infirmité constante, suffisamment secourue ? Il faudrait, pour répondre à cette question, faire, département par département, une enquête qui ne serait assurément pas sans intérêt. Mais si nous nous bornons à étudier comment les choses se

  1. Sous l’ancien régime, il y avait déjà un dépôt de mendicité par généralité, soit en tout trente-deux. On voit qu’en un siècle, la progression du nombre de ces dépôts n’a pas été considérable.