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grand nombre de vagabonds par goût et de mendians par profession. Les premiers sont faciles à reconnaître, en quelque sorte, au premier aspect. Ce sont presque toujours des individus jeunes, ou du moins dans la force de l’âge. De bonne heure, ils se sont déshabitués de travail régulier, et ils ont commencé à vivre de hasard et de métiers interlopes, ne faisant œuvre de leurs bras que sous l’aiguillon de la faim, et, plutôt que de s’embaucher dans un atelier, préférant gagner quelques sous à ouvrir les portières des voitures ou à courir après les cochers. Ils alternent entre la prison et la liberté, prenant gaîment leur parti de vivre de temps à autre, pendant une quinzaine de jours ou même davantage, aux frais du gouvernement, rencontrant, comme nous le verrons tout à l’heure, dans les prisons de la Seine, une société tout à fait de leur goût, et profitant souvent de l’occasion pour y comploter quelques bons coups. Ceux-là finiront par le vol et la maison centrale, sinon par l’assassinat et la Nouvelle-Calédonie. Si, dès le début, une punition sévère les atteignait ; s’il existait en outre, pour eux comme pour les mendians, des maisons de travail où ils fussent conduits à l’expiration de leur peine, et contraints de rester jusqu’à ce que, par leur travail, ils se fussent procurés un certain pécule, on en sauverait peut-être un certain nombre. Il est à remarquer que le code pénal de 1810 en usait ainsi avec eux, et que l’article 271, relatif au vagabondage, se terminait ainsi : « Les vagabonds demeureront, après avoir subi leur peine, à la disposition du gouvernement pendant le temps qu’il déterminera, en égard à leur conduite. » Les termes de cet article donnaient parfaitement au gouvernement le droit d’infliger aux vagabonds, comme aux mendians, un temps de détention supplémentaire. Mais comme le gouvernement ne faisait aucun usage de cette faculté, la réforme de 1832 remplaça cette disposition par la surveillance de la haute police, qui a, autrefois du moins, car aujourd’hui elle est supprimée, compliqué la question, en multipliant les condamnations pour rupture de ban. Peut-être y aurait-il lieu d’en revenir à cette disposition du code de 1810 en créant pour les vagabonds des maisons de travail analogues aux dépôts de mendicité, et en les ouvrant même par avance aux individus sans domicile et sans moyens d’existence, qui seraient réellement désireux de travailler. C’est la solution que préconise M. le pasteur Robin, dans un excellent livre intitulé ; Hospitalité et Travail, dont j’ai déjà en occasion de parler. C’est l’idée du workhouse anglais, et, malgré les préjugés qui existent en France contre les workhouse, cette institution telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, à Londres du moins, où j’en ai visité plusieurs, n’est déjà pas tant mauvaise.

Quant aux mendians d’habitude, ce sont aussi des paresseux, mais