Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/840

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec lequel Lavoisier n’eut jamais que d’excellens rapports, et dont il disait, en 1783, en écrivant à Malesherbes : « M. de Condorcet se propose de travailler cet hiver à l’éloge de M. Guettard. On y verra partout l’homme de bien, l’homme sensible, l’observateur de la nature, un homme enfin qui mérite votre estime et votre amitié. »

Le voyage fut décidé pour le mois de juin 1767 ; il devait se faire à cheval, à cause du mauvais état des chemins. Lavoisier fit ses préparatifs de départ en réunissant les instrumens nécessaires à ses observations : trois thermomètres, un baromètre et un aréomètre d’argent, construit sur ses indications et destiné à la détermination de la densité des eaux potables ou minérales, enfin une petite boite de réactifs, le tout confié aux soins du domestique Joseph, qui accompagnait les voyageurs. On se mit en route le 14 juin, à trois heures de l’après-midi ; avant de partir, Lavoisier avait fait une dernière observation barométrique ; il confiait le soin de relever chaque jour les indications du baromètre à son ami Augez de Villers[1]. Son père, sa tante, tout inquiets d’un voyage qui doit conduire l’enfant bien-aimé dans les montagnes des Vosges et même en Suisse, lui font mille recommandations. « Désormais au logis attristé de la rue du Four, on guettera le facteur à chaque poste comme le Messie, » écrira plus tard Mlle Punctis.

Lavoisier était heureux de ce voyage en compagnie du cher docteur, l’excellent M. Guettard, dont la gaîté abrège les longueurs du chemin, escorté de Joseph, qui a la mission de veiller sur lui. Il est jeune, bien portant, curieux de voir des pays nouveaux, avide de science ; il a un aimable compagnon, un serviteur dévoué, un bon cheval, cinquante louis dans sa poche, et il prévoit qu’il va

  1. Clément Augez, de Villers était petit-fils de Claude Augez, écuyer du roi, et de Marguerite Frère, sœur de la grand’mère de Lavoisier.