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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/864

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Le conseil était sage ; si on l’avait suivi, la Prusse eût grandi en autorité et en considération, elle eût bâté la paix et rendu à la Russie, en lui enlevant de décevantes espérances, un signalé service.

L’événement, il est vrai, n’a pas justifié les appréhensions du roi des Belges ; le centre de l’Europe a évité la guerre, l’esprit de conquête n’a pas prévalu, mais la Prusse n’en est pas moins sortie des complications orientales moralement et diplomatiquement amoindrie, et peu s’en est fallu que, par son exclusion du congrès, conjurée par Napoléon III, elle ne descendit au rang de seconde puissance.

Les lois de l’histoire, pour les plus clairvoyans, sont souvent impénétrables. Les fautes qui devraient perdre les états tournent à leur salut et sont le point de départ de leur grandeur future. « Nous sommes à cheval, la route est ouverte devant nous, et le destin est derrière, » disait Charles XII, au moment d’entrer en campagne.


II. — LA DIPLOMATIE DES TROIS PUISSANCES BELLIGÉRANTES A BERLIN.

Le gouvernement anglais s’indignait des équivoques de la politique prussienne. Lord Clarendon adressait à Berlin des notes violentes que son chargé d’affaires, en l’absence de lord Bloomfield, traduisait sans adoucissemens dans ses entretiens avec le ministre des affaires étrangères. Lord Loftus ne glissait pas, il appuyait, en touchant aux points les plus vulnérables ; il parlait avec désinvolture des provinces rhénanes et menaçait la Prusse d’être exclue de la paix. « L’Angleterre nous menace, disait M. de Manteuffel au comte d’Esterhazy, de nous exclure de toute participation à la paix, mais quand le moment sera venu, tout le monde aura besoin de nous, et la Russie ne signera pas la paix sans la Prusse. » Le baron de Manteuffel cédait à des illusions ; l’empereur Alexandre eut peu de souci du cabinet de Berlin, lorsqu’à bout de forces, il réclama la paix ; l’exclusion de la Prusse du congrès entrait au contraire dans le jeu de sa diplomatie. « Si la Prusse n’intéresse pas la France à son sort, écrivait M. de Bismarck le 10 février 1856, elle n’entrera pas au congrès ; elle ne peut compter ni sur l’Angleterre, ni sur l’Autriche, ni sur la reconnaissance de la Russie. »

La diplomatie française, pas plus que la diplomatie anglaise, ne