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seul avec un aide-de-camp. Arrivé à la hauteur du Rond-Point, un assassin, Pianori, tira sur lui, presque à bout portant, deux coups de pistolet sans l’atteindre. L’empereur continua sa promenade au pas, sans manifester d’émotion ; le pistolet ne l’effrayait pas, il ne redoutait que le poignard, a car ceux qui s’en servent, disait-il, ne tremblent pas, ils ont d’avance fait le sacrifice de leur vie. » Les révolutionnaires italiens lui donnaient un premier avertissement ; ils lui rappelaient les sermens du carbonaro. Les coups de pistolet des Champs-Elysées et les bombes de l’Opéra l’ont heureusement épargné, mais ils ont fait à la France de mortelles blessures.

L’attentat eut dans les cours européennes un profond retentissement. Elles commençaient à croire à la solidité et à la durée du régime impérial, et déjà elles s’apercevaient combien son existence était précaire. Le roi Frédéric-Guillaume fut le premier à féliciter l’empereur de sa miraculeuse préservation.

« Je dormais déjà, télégraphiait-il au comte de Hatzfeld, au moment où la nouvelle m’est parvenue. L’empereur doit être promptement instruit de ma consternation, de ma sympathie, de ma joie la plus vive. »

Cette chaleureuse dépêche, communiquée aussitôt aux Tuileries, effaça de fâcheux souvenirs.

Le comte Walewski remplaça M. Drouyn de Lhuys ; il était loin d’avoir son esprit et son expérience, mais il joignait, — ce qui vaut mieux souvent, — à un sens droit le bonheur. Il fut le ministre heureux du règne.


VII. — LA MORT DE L’EMPEREUR NICOLAS. — LE ROI ET SON MINISTRE.

La scène changeait à Berlin chaque jour ; les plus fières résistances précédaient les plus humbles résolutions. Frédéric-Guillaume, après l’éclatante satisfaction donnée à la politique russe, en 1854, était revenu sur ses pas. Il avait éprouvé le besoin d’atténuer le mauvais effet que son coup de tête avait produit en France et en Angleterre. Le général de Wedel était parti pour Paris avec des instructions nouvelles, moins pour conclure l’alliance que pour gagner du temps. « Les pourparlers traînaient. Dès qu’on se croyait d’accord, le négociateur prussien soulevait de nouvelles objections et demandait de nouvelles garanties. Il nous prêtait des arrière-pensées : il prétendait qu’aussitôt le traité signé, la France l’invoquerait pour le passage de ses troupes à travers l’Allemagne. Nous avions beau déclarer qu’il n’entrait pas dans nos plans d’attaquer la Russie sur la Vistule, l’envoyé du roi n’en