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était attaché à son beau-frère, bien qu’il n’approuvât pas sa politique. — « On le dii dans les meilleurs termes avec le nouvel empereur, » écrivait M. de Moustier. — Notre ministre, malgré sa sagacité, ne se doutait pas, en signalant à son gouvernement, au courant de la plume, à titre de simple renseignement, l’affection du prince pour son neveu, que leur intimité aurait pour la France d’aussi funestes conséquences. L’influence des causes secondaires sur le cours des événemens échappe aux diplomates les plus prévoyans.

Le roi alléguait la mort de l’empereur Nicolas et l’incertitude sur la politique de son successeur pour suspendre les négociations et retenir près de lui ses envoyés extraordinaires à Londres et à Paris. Il avait fort mal accueilli lord John Russell, qui lui avait demandé une audience en traversant Berlin pour se rendre aux conférences. « C’est au moment, disait-il avec humeur, où m’arrivaient de Pétersbourg les nouvelles les plus déchirantes, qu’il est venu se planter devant moi, comme un bâton, pour me parler politique. »

Malgré les manifestations de sa douleur et son détachement apparent des affaires, il n’en persistait pas moins à vouloir participer aux délibérations ouvertes à Vienne. Il disait bien : « Si l’on ne veut pas m’épouser, je resterai vieille fille ; » sa résignation n’avait rien ‘ de sincère. L’entrée dans la conférence était son idée fixe, mais la paix n’étant pas certaine, il faisait dépendre la signature d’un traité avec les trois puissances de son admission, tandis que les alliés faisaient dépendre son admission de sa signature ; on tournait dans un cercle vicieux.

N’entrer dans la conférence que si la paix est assurée et ne pas s’y trouver si elle est compromise, telle était la stratégie du roi. Il comptait sur son esprit pour se tirer des mauvais pas, il croyait avoir partie gagnée chaque fois qu’il trouvait un expédient ; plutôt que de se lier, il préférait vivre au jour le jour et guetter les chances imprévues. Il était aussi content de lui que la Russie, la France, l’Angleterre et l’Autriche l’étaient peu. Chaque jour, il devenait plus manifeste que, tant qu’il verrait un moyen quelconque d’échapper à un engagement et tant que M. de Manteuffel ne donnerait pas sérieusement sa démission, on n’en obtiendrait rien.

Le parti russe n’était pas plus heureux ; il suppliait le roi de ne pas laisser le jeune empereur en détresse et de lui donner un témoignage de sympathie en se rencontrant avec lui à Bromberg, sur la frontière prussienne : c’était peine perdue.

Le prince de Prusse, cependant, était allé au mois de juillet à Pétersbourg. Il s’était abstenu de paraître aux funérailles de