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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/908

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l’assassinat des Médicis fut préparé. L’archevêque de Pise, Salviati, était l’âme de la conspiration ; autour de lui on trouve, entre autres conjurés, deux prêtres et un condottière du pape. C’est à la cathédrale, au moment de l’élévation, que les meurtriers devaient agir. Le cardinal-neveu Raphaël Riario, un enfant de dix-sept ans, se tenait près de l’autel, dans sa simarre rouge. Julien fut tué sur place. Laurent put s’enfuir et se barricader dans la sacristie. Florence se souleva en criant : Palle ! Palle ! Le peuple pendit Salviati, l’étole au cou, à une fenêtre de la seigneurie ; Riario, tremblant, demanda grâce. On l’épargna par pitié pour sa jeunesse ; il garda, dit un contemporain, un visage livide toute sa vie. La conspiration avait manqué. Sixte IV excommunia Laurent et mit la ville en interdit. Le peuple força ses prêtres à célébrer la messe. Le clergé se réunit en synode et demanda le concile. En appeler du pape à l’église était un nouveau crime. Sixte IV jeta sur la Toscane ses alliés, Alphonse d’Aragon et Frédéric d’Urbin. Quand il fit la paix avec la noble ville, les premiers citoyens de Florence durent s’agenouiller aux pieds du pape, devant la porte close de Saint-Pierre, au chant du Miserere. Il frappa chacun d’eux de la baguette symbolique des confesseurs, et leur pardonna en père de miséricorde.

Il fallait renoncer à la Toscane, dont l’indépendance était devenue, au lendemain du régicide, une cause nationale pour l’Italie. Sixte IV put donner encore Forli à Girolamo ; il cherchait le moyen de conquérir ou d’acheter Faenza, Ravenne, Rimini. La guerre contre Ferrare, en 1481, avec l’alliance vénitienne, devait achever un beau duché d’Italie orientale. Mais les princes se groupèrent encore autour de Ferrare, comme ils l’avaient fait autour de Florence. La péninsule se montrait décidément rebelle au népotisme des Rovere. Le plus simple était donc de prendre leurs fiefs aux sujets directs de l’église. Sixte IV lança les Orsini contre les Colonna et les Savelli. On commença par la guerre civile à Rome ; le quartier des Colonna fut assiégé, incendié ; le palais du Quirinal, malgré la promesse du pape à ses cardinaux, fut pillé sous la direction du neveu Girolamo ; le protonotaire Lorenzo arraché tout sanglant à sa maison et enfermé au Saint-Ange. Puis les pontificaux marchèrent contre les Colonna du Latium. Le pape, que l’invention de l’artillerie intéressait fort, avait béni les canons à Saint-Jean-de-Latran. Girolamo mit en feu la campagne romaine. Fabrizio-Colonna, pour sauver la tête de son frère Lorenzo, négociait alors avec Sixte IV ; celui-ci demanda la citadelle de Marino, qui lui fut rendue le 25 juin. Le 30, à l’aurore, on conduisit Lorenzo dans la cour intérieure du Saint-Ange, on lui lut une sentence de mort. Il ne prononça ni une prière ni une plainte, et mit tranquillement sa