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le Champi, de nous offrir quelque jour, illustrés par la même main et imprimés avec le même soin, la Mare au diable et la Petite Fadette ; et, en vérité, nous ne sommes pas pour cela assez ennemis d’eux, de George Sand, et surtout de notre propre plaisir.

Il est vrai que les éditeurs nous donnent cette année trop de romans illustrés pour que nous ne puissions voir là qu’un hasard ou une coïncidence. Évidemment le goût public y est, comme l’on dit, et ce n’est pas nous qui nous en plaindrons. C’est ainsi que, dans cette même Bibliothèque dont nous parlions à l’instant, M. Champollion a très heureusement illustré le Raphaël[1] de Lamartine, et M. G. Cain, plus heureusement peut-être encore, la Cousine Bette[2] de Balzac. Aussi bien quiconque aime les livres connaît le prix de cette belle collection, également précieuse par le choix des auteurs et par l’élégance de l’exécution typographique. Une autre collection, dont les amateurs savent également le prix, c’est celle que poursuit, depuis déjà bien des années, sous le titre de Petite Bibliothèque artistique, l’éditeur Jouaust : elle s’est enrichie cette année d’un premier volume dont il serait inopportun, en ce moment, de rappeler le contenu trop gaulois ; et d’une traduction nouvelle de Mes Prisons[3] de Silvio Pellico, illustrée de dessins de M. Bramtot. — Je n’ai garde par là de vouloir dire ou insinuer que Mes Prisons soient un roman.

Ce n’est pas seulement nos romans que nos dessinateurs illustrent, ce sont encore les romans étrangers. Tel est le fantastique récit d’Adalbert de Chamisso, Peter Schlemihl, ou l’homme qui a perdu son ombre[4], traduit jadis en français par lui-même, — Chamisso, comme on le sait, était d’origine française, — orné de très jolies illustrations de M. Myrbach, et précédé d’une Préface de M. Henry Fouquier. Elle est bien un peu philosophique, cette Préface, et conséquemment un peu prétentieuse, pour ceux du moins qui comme nous, pas plus qu’au Reflet perdu d’Hoffmann, ne sauraient attribuer d’autre portée que celle d’un joli conte au Peter Schlemihl de Chamisso. Mais quoi ! dans une Préface, il faut bien mettre quelque chose ; et quand on n’a rien à y mettre, le talent ne consiste-t-il pas à l’y mettre tout de même ? M. Louis Énault, lui, n’a point mis de Préface, mais seulement une dédicace à son imitation ou adaptation d’une fantaisie d’Auerbach : Ville et Village[5]. Ne connaissant pas cette « fantaisie, » nous dirons donc tout simplement que le sujet nous en a paru de lui-même assez sentimental et larmoyant pour que M. Louis Énault, sans

  1. Raphaël, 1 vol. in-8o. Quantin.
  2. La Cousine Bette, 1 vol. in-8o. Quantin.
  3. Mes Prisons, 1 vol. in-18. Librairie des Bibliophiles.
  4. Peler Schlemihl, 1 vol. in-4o. Librairie des Bibliophiles.
  5. Ville et Village, d’après B. Auerbach, 1 vol. in-8o. Rothschild.