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nature du talent descriptif de M. Camille Lemonnier, et celle du sol qu’il décrit, de la civilisation qui s’y est développée, de l’art même au besoin dont nous prendrions pour modèles une kermesse de Rubens ou des buveurs de Jordaens, en oubliant soigneusement les vierges de Memling ou les portraits de Van-Dyck, nous pourrions découvrir des analogies, des affinités et des correspondances. Mais quoi ! ni le lecteur ni M. Camille Lemonnier n’en seraient sans doute plus avancés. Et pour louer ce beau livre selon son mérite, n’en pouvant dire tout ce que nous voudrions, personne ne nous en voudra, ni l’auteur ni ceux à qui nous recommandons sa Belgique, de n’en avoir au moins rien voulu dire de banal. Il convient seulement d’ajouter que l’illustration en est d’un caractère tout à fait remarquable.

Le Littoral de la France [1], de M. Charles-Félix Aubert, est un bon livre aussi, dont nous avons déjà signalé les quatre premiers volumes, et dont nous ne louerons pas aujourd’hui moins volontiers le cinquième, qui contient la description des côtes languedociennes, du cap Cerbère jusqu’à Marseille. Un sixième et dernier volume : De Marseille à la frontière italienne, qu’on nous promet pour l’année prochaine, complétera cet intéressant, curieux et instructif ouvrage. On est étonné, en effet, nous l’avons dit, et nous le répétons, en parcourant ces cinq volumes, de voir à quel point nous sommes ignorans de nous-mêmes et comme étrangers sur notre propre sol. La France pourtant est un heureux pays, dont il y n’a pas un village perdu dans les sables qui ne soit curieux à connaître. C’est surtout une vieille terre, dont il n’y a pas un pouce où ne soient attachés de nombreux et charmans ou tragiques souvenirs. Et c’est pour l’avoir bien compris, — si bien compris que son enthousiasme en devient parfois un peu déclamatoire, — que l’auteur du Littoral de la France en a fait cet excellent livre, agréable sans mensonge, pittoresque sans prétention, et instructif sans pédantisme.

Avant d’en venir aux livres où l’instruction se mêle à l’amusement, et où l’agréable même semble n’avoir pour objet que de faire accepter l’utile, c’est ici le lieu de dire quelques mots de la Vie rustique[2]de M. André Theuriet, illustrée de compositions et de dessins de M. Léon Lhermitte. Dans ces pages, qui compteront sans doute parmi les meilleures qu’il ait écrites, et comme si, en touchant la terre, son talent robuste et sain y retrouvait des forces nouvelles, M. André Theuriet a voulu fixer au moins le souvenir de ces scènes de la vie de campagne dont nous voyons tous les jours, sous l’influence de tant de causes diverses, l’antique physionomie changer, et,

  1. Le Littoral de la France , t. V, illustré de 300 gravures et de nombreuses planches et cartes en couleurs, 1 vol. in-8o. V. Palmé.
  2. La Vie rustique, avec 118 compositions de M. Léon Lhermitte, 1 vol. in-4o. Launette.