Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

centaines de millions. Les fonds russes, autrichiens, hongrois et la rente italienne ont baissé comme si une guerre était imminente, et c’est à peine si l’on commence à se remettre de la perturbation causée par la persistance du conflit austro-russe.

On espérait que l’alerte serait passagère et qu’une déclaration quel- conque du gouvernement de Saint-Pétersbourg allait promptement rassurer l’Europe sur le maintien de la paix. La Russie n’a fait aucune déclaration, et le gouvernement du tsar s’est contenté de la publication, dans l’Invalide russe, d’un article où les préparatifs militaires reprochés à l’empire moscovite étaient mis en regard des armemens bien plus considérables de l’Allemagne et de l’Autriche.

Cette publication n’a satisfait, à Vienne, ni les hommes politiques ni les financiers. On attendait mieux et plus de Saint-Pétersbourg. Les inquiétudes ne se sont pas dissipées. Le gouvernement impérial austro-hongrois a commencé à expédier des troupes en Galicie, et la Bourse ne s’est point relevée. La mission du général Schweinitz, ambassadeur d’Allemagne à Saint-Pétersbourg, n’a pas eu les résultats qu’on en espérait.

L’année 1887 se termine donc sur des impressions maussades, moroses. Personne ne peut croire à l’explosion d’une guerre sur les confias de la Pologne et de l’Autriche en pleine saison d’hiver, mais personne n’est réellement sans inquiétude sur les complications que pourra voir surgir le printemps ou l’été prochain.

La Russie ne veut point la guerre cependant; elle n’y est pas complètement préparée, et elle ne la déclarera pas, ayant donné trop de preuves, depuis l’origine des troubles bulgares, de la patience avec laquelle elle a résolu d’attendre une solution favorable à ses vues. Mais la position indépendante qu’elle a prise, après sa sortie de l’alliance des trois empereurs, gêne et inquiète la nouvelle triple alliance, celle où l’Italie a été introduite pour compléter, au centre de l’Europe, la barrière continue de grands états qui doit isoler la Russie de la France.

On voudrait, à Vienne et à Berlin, obtenir du cabinet de Saint-Pétersbourg une déclaration positive d’intentions pacifiques, suivie d’actes qui attesteraient la sincérité de cette déclaration, par exemple le retrait de quelques-unes des troupes actuellement concentrées à la frontière.

La spéculation internationale ne doute pas qu’une telle déclaration ne soit obtenue sous une forme ou sous une autre. Déjà les dépêches ont annoncé que des protestations rassurantes avaient été échangées à Saint-Pétersbourg et à Vienne entre ambassadeurs et ministres des affaires étrangères, et cette annonce a eu pour résultat d’enrayer la baisse des fonds sur les places allemandes.