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La Moricière, il n’y avait qu’une direction générale à lui indiquer; quant au détail, le général Bugeaud savait qu’il pouvait se fier à lui. Avec d’Arbouville, c’était une autre affaire; ses dernières manœuvres laissaient à dire, et c’était à lui que s’adressaient particulièrement les observations suivantes du gouverneur: «Ne laissez jamais le dernier mot à l’ennemi. Dès que vous vous trouvez sur un terrain tant soit peu facile, reprenez une offensive générale et prolongée; sachez perdre une journée pour le poursuivre. Ayez toujours quelques vivres de reste quand vous commencez votre retraite, et n’attendez pas, pour vous rendre à votre base d’opération, d’avoir toujours le nécessaire. »

En manière de conclusion, le général d’Arbouville reçut l’ordre de reprendre immédiatement la campagne avec sa colonne renforcée d’un bataillon du 15e léger et de deux escadrons de spahis que dut lui céder La Moricière. En effet, il rentra, le 16 septembre, chez les Flitta, auxquels il fit payer la petite leçon qu’il venait de recevoir; pendant quarante jours, il parcourut et ravagea leur territoire en tous sens.

Abd-el-Kader avait été quelque temps dans le voisinage ; mais au lieu de défendre la vaillante tribu dont la fidélité ne lui était pas suspecte, il avait jugé plus intéressant de châtier les défectionnaires. C’est ainsi qu’ayant fait 20 lieues tout d’une traite, il tenta, le 21 septembre, sur les Sdama, une surprise qui n’eut pas tout le succès attendu, et qu’après une course aussi rapide, il fit subir à la petite ville d’El-Bordj, le 1er octobre, la même dévastation qu’à Frenda.

D’après les instructions du général Bugeaud, La Moricière n’avait donné que quatre jours de repos à ses troupes et s’était remis en campagne le 9 septembre. Diminuée du détachement qu’il avait envoyé à d’Arbouville, sa colonne était cependant plus forte que devant, parce qu’il avait fait venir d’Oran quatre bataillons, le reste du 2e chasseurs d’Afrique, tous les spahis et 1,200 cavaliers du maghzen de Moustafa-ben-IsmaïI. C’était beaucoup de monde, au gré du général Bugeaud; mais La Moricière lui ayant dit qu’il désirait être en état de dédoubler au besoin sa colonne, le gouverneur, tout en maugréant un peu, le laissa faire. La petite garnison qui demeurait habituellement à Mascara fut renforcée de 300 chevaux. Tout le reste de la division, c’est-à-dire 3,500 hommes d’infanterie, 450 chasseurs et spahis, 1,400 chevaux du maghzen et des goums, et 4 pièces de montagne, se portèrent à l’est vers le Sersou.

Au col de Torrich, La Moricière apprit par des prisonniers qu’Abd-el-Kader était dans le nord-ouest, chez les Flitta; mais comme il savait que le général d’Arbouville avait reçu l’ordre d’opérer