Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à paraître, soulevés, eux aussi, par le même mouvement lent et continu.

C’est une des contrées les plus volcaniques du globe. A côté d’innombrables cratères éteints, nombre d’autres y sont en éruption constante. Manille, la capitale, maintes fois détruite par les tremblemens de terre, s’est toujours relevée de ses ruines. La température moyenne oscille entre 27 et 37 degrés; les orages sont fréquens et redoutables. Mais plus redoutables encore sont les vaguios, sortes de cyclones qui naissent à l’est des Philippines, prennent l’archipel en écharpe dans leur mouvement de translation et de rotation uniforme de droite à gauche et vont ou se perdre dans la mer de Chine ou se briser sur le continent asiatique, refoulant leurs vagues démontées jusque sur les côtes du Japon. Leur vitesse de translation atteint 13 milles à l’heure en moyenne; leur diamètre extérieur mesure de 40 à 130 milles, et leur diamètre intérieur de 8 à 15[1]. Ces énormes masses d’eau soulevée causent sur leur passage d’incalculables désastres. Le vagido du 23 septembre 1874, qui vint se heurter contre le rocher de Hong-Kong, engloutit dans le mouvement de retrait de ses flots plusieurs milliers d’habitans ; quatorze navires sombrèrent.

Par suite de la configuration bizarre de l’archipel, ouvert du côté de la mer de Chine, presque fermé vers le Pacifique, les marées y sont folles, locas, comme les désignent les habitans. La grande houle de l’océan qui s’engouffre dans les étroites passes de San-Bernardino et de Butuan se brise sur des caps innombrables, remonte et s’attarde dans des golfes immenses, contourne des anses, des détroits, se divise en ondes secondaires, fractionnées elles-mêmes par le relief des côtes, et crée dans les ports un régime de marées variables suivant le vent, la force d’impulsion et de translation. Parfois, deux courans de marée se heurtent en sens opposé, immobilisant dans le choc de leurs vagues, dont le fracas s’entend à plus d’un mille de distance, les navires en danger. Ce phénomène singulier rend la navigation périlleuse dans ces parages, où, jusqu’à ces dernières années, le défaut de cartes s’ajoutait aux incertitudes des courans et à la multiplicité des écueils inconnus. Les relevés hydrographiques sont encore incomplets, notamment pour les côtes orientales.

Les îles Philippines furent découvertes, le 31 mars 1521, par Fernando Magalhaens, célèbre sous le nom de Magellan. Portugais d’origine, lieutenant d’Albuquerque aux Indes, victime d’une injustice de son chef, il passa en 1517 au service de l’Espagne. Chargé

  1. Rapport de D. M. Villavicencio, chef de la commission hydrographique des îles Philippines; Manille, 1874.