Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/429

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Allemands avaient établi à Yalouit, aux îles Marshall, un dépôt de charbon. En octobre 1885, ils plantaient leur drapeau sur plusieurs îles des deux groupes, et, en février 1886, ils annonçaient officiellement l’annexion de tout l’archipel à l’empire d’Allemagne.


V.

Lorsque, après avoir heureusement franchi, ainsi que nous l’avons raconté plus haut, le détroit qui porte son nom, Magellan déboucha enfin dans l’Océan-Pacifique, le 28 novembre 1520, après plus d’une année de tâtonnemens et d’efforts pour s’ouvrir une voie nouvelle vers l’Asie, une seule idée hantait alors ce cerveau puissant : regagner le temps perdu, forcer de voiles et atteindre son but. Ignorant des distances qui le séparaient du grand archipel asiatique, des myriades d’îles dont était semé cet océan nouveau sur lequel il s’engageait, il fit route au nord-est, naviguant pendant des mois sans se lasser, décrivant une courbe immense, mais suivant d’instinct la route qui devait le conduire au terme, favorisé par les vents et les courans de cette mer, pacifique entre toutes, sur laquelle il ne devait rencontrer ni cyclones ni tempêtes, comptant les jours qui le séparaient de sa conquête et de sa mort.

Le ô mars 1521, il relevait au large un groupe de quinze îles, le premier archipel d’Océanie vu par un Européen. Au centre, l’île de Guam, la plus importante des Mariannes, dressait sur l’océan ses hauts sommets couverts de forêts, ses côtes envahies par une abondante végétation. La longue chaîne d’îles, courant du nord au sud, semblait lui barrer la route, lui masquer les Philippines. C’était au-delà, à 400 lieues dans l’ouest, que se trouvaient Luçon et Mindanao, le seuil de cet archipel asiatique cherché sur tant de mers. Les Mariannes ne l’arrêtèrent pas ; il les contourna, suivi par toute une flotte de canots aux grandes voiles carrées, montés chacun par cinquante à cent indigènes. Frappé du spectacle curieux qu’offrait cette multitude d’embarcations dont la voiture et la mâture lui rappelaient les felouques de la Méditerranée, il baptisa d’abord ces îles du nom de islas de las Velas latinas, îles des Voiles latines ; puis, ayant accueilli à son bord quelques indigènes qui, séduits par la vue du fer qu’ils apercevaient pour la première fois, cherchèrent à en dérober quelques fragmens, il les appela islas de les Ladrones, îles des Larrons. Plus tard enfin, se conformant à un vieil usage espagnol, il les porta sur ses cartes sous la dénomination d’archipel Saint-Lazare, d’après l’évangile du jour où il les découvrit.

A leur retour en Europe, ses compagnons firent une si magnifique description des pays qu’ils avaient visités, que Charles-Quint