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femme... Je ne sais s’il y a possibilité de leur montrer un peu de médecine et de pharmacie, du moins de cette espèce de médecine qui est du ressort d’une garde-malade. Il serait bon aussi qu’elles sussent un peu de cette partie de la cuisine qu’on appelle l’office. Je n’oserais plus, comme j’ai essayé pour Fontainebleau, prétendre leur faire faire la cuisine : j’aurais trop de monde contre moi ; mais on peut leur faire préparer leur dessert et ce qu’on voudrait leur donner, soit pour leur goûter, soit pour leurs jours de récréation. Je les dispense de la cuisine, mais non pas de faire elles-mêmes leur pain. L’avantage de tout cela est qu’on les exerce à tout ce qu’elles peuvent être appelées à faire, et qu’on trouve l’emploi naturel de leur temps en choses solides et utiles. Il faut que leurs appartemens soient meublés du travail de leurs mains, qu’elles fassent elles-mêmes leurs chemises, leurs bas, leurs robes, leurs coiffures. Tout cela est une grande affaire dans mon opinion. Il faut, dans cette matière, aller jusqu’auprès du ridicule. Je veux faire de ces jeunes filles des femmes utiles, certain que j’en ferai par là des femmes agréables ; je ne veux pas chercher à en faire des femmes agréables, parce que j’en ferais des petites-maîtresses. On sait se mettre quand on fait soi-même ses robes; dès lors, on se met avec grâce. La danse est nécessaire à la santé des élèves, mais il faut un genre de danse spécial et qui ne soit pas une danse d’opéra. J’accorde aussi la musique, mais la musique vocale seulement... Si l’on me dit que l’établissement ne jouit pas d’une grande vogue, je réponds que c’est ce que je désire, parce que mon opinion est que de toutes les éducations, la meilleure est celle des mères; parce que mon intention est principalement de venir au secours de celles des jeunes filles qui ont perdu leurs mères et dont les parens sont pauvres ;.. qu’enfin, si ces jeunes personnes, retournant dans leurs provinces, y jouissent de la réputation de bonnes femmes, j’ai complètement atteint mon but et je suis assuré que l’établissement arrivera à la plus solide, à la i)lus haute réputation... » On ne peut qu’admirer la haute raison qui a dicté ces lignes et la supériorité avec laquelle cet homme prodigieux a traité tous les sujets sur lesquels s’est appesanti son génie.

C’est à Mme Campan qu’il avait confié la direction de son œuvre et le soin d’en rédiger les statuts. Mme Campan, ruinée par la révolution, s’était décidée à ouvrir, à Saint-Germain, un pensionnat qui ne tarda pas à prospérer. Napoléon vint l’j prendre pour la mettre à la tête de la maison établie dans le château d’Écouen, par décret du 10 juillet 1806. Le succès de cet établissement le décida, trois ans après, à en fonder un second dans l’ancienne abbaye de Saint-Denis, qui lui fut consacrée, avec ses jardins et ses dépendances,