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était encore, soit pour lui fermer la route de l’est et la rejeter forcément sur le Djebel-Amour, où, prise entre les deux colonnes de Mascara et de Médéa, il lui était difficile d’échapper ; car, dans ces vastes plaines, où l’eau est si rare, les routes sont toutes tracées par les sources si précieuses que l’on y rencontre. Ce plan était simple; mais il fallait pour l’exécuter une grande confiance dans le dévoûment des soldats et des officiers. Il fallait franchir d’une seule traite un espace de plus de 20 lieues, où l’on ne devait pas rencontrer une goutte d’eau ; mais je comptais sur l’énergie des troupes ; l’expérience a. montré que je ne m’étais pas trompé.

« Je subdivisai la colonne en deux : l’une essentiellement mobile, composée de la cavalerie, de l’artillerie et des zouaves, auxquels j’avais attaché 150 mulets pour porter les sacs et les hommes fatigués; l’autre, formée de deux bataillons d’infanterie et de 50 chevaux, devait escorter le convoi sous les ordres du lieutenant-colonel Chadeysson. Après une halte de trois heures, les deux colonnes partirent ensemble, conduites chacune par des guides sûrs. Le rendez-vous était à Ras-el-Aïn-Taguine. Le 16, à la pointe du jour, nous avions déjà rencontré quelques traînards de la smala. Sur des renseignemens inexacts qu’ils donnèrent, je fis avec la cavalerie une reconnaissance de 4 lieues droit au sud qui n’aboutit à rien. Craignant de fatiguer inutilement les chevaux, je persistai dans mon premier projet et je repris la direction de Taguine, où toute la colonne devait se réunir. »

Cette reconnaissance faite au trot avait laissé les zouaves fort en arrière. On chevauchait sous un soleil ardent, sur un terrain sec, balayé par un vent violent et chaud soufflant du désert, à travers une succession monotone de rideaux formés par les longues ondulations du sol.

Voici quel était l’ordre de marche : le capitaine Durrieu, chargé du service de la topographie et des guides; à côté de lui, Ameur-ben-Ferhat, l’agha des Ayad, suivi de son goum débandé ; puis, formant à gauche le premier échelon, sous les ordres du commandant d’Allonville, quatre escadrons de spahis en colonne de pelotons, environ 230 chevaux; auprès d’eux, leur colonel Jusuf, avec deux de ses officiers, le lieutenant Fleury et le sous-lieutenant du Barail; à deux cents pas en arrière et à droite, le deuxième échelon, formé de deux escadrons du 4e chasseurs d’Afrique, d’une division du 1*’régiment et de 30 gendarmes, le tout faisant 260 chevaux, sous le commandement du lieutenant-colonel Morris. Le duc d’Aumale marchait entre les deux échelons, avec son état-major, le commandant Jamin, son aide-de-camp, le capitaine de Beaufort et le capitaine de Marguenat, ses officiers d’ordonnance, un spahi porte-fanion et un interprète. Quel que fût son empire sur lui-même,