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MADAME DE CUSTINE

I.
SA JEUNESSE.

Si l’on pouvait juger un homme sur la délicatesse et la distinction des affections qu’il a inspirées, nul ne serait plus grand que Chateaubriand.

Au premier rang de ces ombres passionnément fidèles, on se rappelle peut-être cette mélancolique Mme de Beaumont, la plus tendre et la plus dévouée de ses amies, celle qui donna sa vie pour aller le revoir à Rome. Vient ensuite dans tout l’éclat de sa beauté celle que Boufflers appelait la Reine des Roses, Delphine de Custine, la dame de Fervacques. Nous voudrions la faire connaître à son tour.

Des documens inédits et d’un intérêt puissant nous le permettent. Il n’y eut pas d’existence plus remplie de contrastes que la sienne, plus romanesque, plus tragique pendant la Terreur, et il n’y en avait pas eu, avant, de plus calme, de plus heureuse. Delphine de Custine eut le bonheur que n’avait pas rencontré Pauline de Beaumont d’être bien mariée. À vingt et un ans, la hache révolutionnaire lui enleva son beau-père et son mari, cet intrépide jeune homme qui, à l’armée du Rhin, avait ébloui les plus difficiles par son courage et sa bonne grâce, et qui ne démentit pas l’héroïsme de sa race, le jour où il monta les degrés de l’échafaud.

Mme de Custine avait assisté à toutes les séances du tribunal révolutionnaire, pendant le long procès du général ; dédaignant les