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en faveur de Custine ; et, dans la séance du 13 mai, Barrère annonça qu’il était appelé à l’armée du Nord. Barrère crut même devoir faire un pompeux éloge du général en disant que seul il avait résisté à la manie diplomatique dont semblaient animés les généraux, et qu’il avait su établir dans son camp la discipline la plus sévère.

Custine eut le malheur, malgré ses répugnances[1], de ne pas refuser ce nouveau commandement. Avant de s’éloigner du Rhin, le 17 mai, il avait voulu tenter un dernier effort pour délivrer Mayence. Il avait été écrasé ; et les ennemis du général ne devaient pas manquer, en l’accusant des désastres de cette journée, d’ajouter à ses torts celui d’avoir conservé un commandement qui ne lui appartenait plus.

Arrivé à l’armée du Nord, Custine trouva les troupes découragées et mal armées. Elles s’étaient retirées à Bouchain, laissant Valenciennes et Condé complètement investis. Philippe combattait à côté de son père, prenant sa part de ses angoisses et de ses périls ; le général n’eut pas le temps de dégager les places menacées[2].

La fureur et le nombre de ses accusateurs ne faisaient que s’accroître, la chute des Girondins le laissait sans défenseurs. Vaincue par la famine, la place de Condé ouvre ses portes au prince de Cobourg le 12 juillet ; Valenciennes le 28 ; sur la frontière de l’Est, Mayence allait bientôt capituler. L’orage grondait sur la tête de Custine.

Un de ses propos, répétés à Robespierre par Merlin de Thionville, devait précipiter sa mise en accusation. C’était à l’armée que Custine avait appris la mort de Louis XVI, et la lecture des journaux lui avait causé une indignation dont il n’avait pas modéré l’expression, même en présence des commissaires de la Convention. Ceux-ci lui avaient entendu dire : « Je servais mon pays pour le défendre de l’invasion étrangère ; mais qui peut se battre pour les hommes qui nous gouvernent aujourd’hui[3] ? »

Ces paroles n’avaient pas été oubliées ; attaqué avec un nouvel acharnement par les journaux, il se plaignit à la Convention. D’autre part, la délation était à l’ordre du jour dans les rangs de ses soldats. La discipline s’était relâchée depuis la défection de Dumouriez ; Custine ne fut pas épargné. Les commissaires Gatear et Garnerin l’accusèrent d’avoir déshonoré l’armée du Rhin en continuant à la commander après avoir reçu l’avis de son changement[4]. Un

  1. Lettre à la Convention du 15 mai 1793.
  2. Dans la collection des Mémoires des grands capitaines, Mémoires du général de Custine, t. II ; Paris, 1831.
  3. Mémoires de Lavalette, t. I.
  4. Archives nationales, 280, dossier 124.