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le retour à la monarchie, comme plus tard M. de Bismarck, nous rendre les alliances plus difficiles. Il avait besoin du spectre révolutionnaire pour maintenir sous sa coupe les dynasties dont il s’était constitué le protecteur. Ses immixtions dans nos affaires intérieures avaient éveillé à Paris de légitimes susceptibilités; il en était résulté des froissemens et des malentendus qui ne firent que s’aggraver après la proclamation de l’empire. Il est permis d’affirmer que les destinées de l’Europe eussent suivi un cours bien différent, si la politique russe, dégagée d’arrière-pensées, moins soucieuse des traités de 1815 et des théories de la légitimité, avait facilité la tâche à l’élu du suffrage universel. Rien ne divisait la France et la Russie. tout les rapprochait, leurs intérêts et leurs sympathies. Elles ont été victimes, l’une et l’autre, des idées préconçues de l’empereur Nicolas. La faute qu’il commit en 1852 a été la cause primordiale de la guerre de Crimée et de la guerre de 1870.


V. — LA CRISE A BERLIN, L’INVITATION AU CONGRÈS, DRESSÉE PAR LA FRANCE A LA PRUSSE.

L’anarchie morale régnait à Berlin ; les passions politiques étaient déchaînées. Les partis s’attaquaient à armes déloyales, sans que le roi eût la force ni la volonté de les contenir. On tramait la chute de M. de Manteuffel et celle de M. de Hinkeldey; ils étaient poursuivis à la fois par les féodaux et par les libéraux. Les premiers s’attaquaient plus particulièrement au président de la police : ils ne lui pardonnaient pas de les avoir surveillés de trop près. Son crime apparent était d’avoir exigé, pour les supérieurs des constables, avec l’assentiment de sa majesté, le salut militaire, et d’avoir fait arrêter en plein Jockey-Club, où les officiers jouaient un jeu d’enfer à «leur dam et ruine, » deux personnages équivoques. Le roi ayant pris la défense du chef de la police, M. de Hinkeldey devint le point de mire des aversions; il fut mis au ban de la société, accablé d’avanies: on voulait le forcer à se démettre ou à se battre. Des officiers exaltés tirèrent au sort à qui le provoquerait. M. de Rochow, un lieutenant de la landwehr, membre de la chambre des seigneurs, fut désigné. Le prétexte ne se fit pas attendre. « Nous n’avons pas invité d’agent de police, » dit M. de Rochow à M. de Hinkeldey, qui