Saint-Ange et du Borgo, il rappelait don Joffré avec ses troupes, il faisait entrer à Rome les bandes de César, il suspendait les jeux du carnaval, puis il les autorisait de nouveau, à la condition que les Romains, dans leur belle humeur, ne porteraient point d’armes cachées sous leurs travestissemens. Jour et nuit, dit Giustinian, Rome, occupée par les soldats du duc, « semblait une caverne de brigands; on dépouillait les gens en pleine rue; » la nuit, on se massacrait entre Romains et Césariens. C’étaient ces atroces mercenaires du Valentinois qui venaient de brûler le territoire de Sienne. « A San-Quirico, dit Burchard, ils n’avaient trouvé que deux vieux et neuf vieilles femmes ; ils les pendirent par un bras, les pieds dans un brasier, afin qu’ils révélassent le lieu où leur argent était caché. Mais ils ne révélèrent rien et moururent dans ce supplice. » Les Borgia, sentant la haine monter autour d’eux, ne voyaient plus que des traîtres dans les serviteurs les plus éprouvés de leur politique. César avait fait pendre don Remiro, son lieutenant-général en Romagne, accusé d’avoir affamé le pays en accaparant les grains. En mai 1503, le secrétaire pontifical Trozzo, l’agent de toutes les besognes louches, s’enfuit tout à coup : on crut d’abord qu’il était parti pour une mission diplomatique ; il se sauvait simplement par horreur pour le bourreau. Il fut, repris en Corse et, dit Giustinian, « bien qu’il eût des brefs rassurans du pape et de bonnes lettres du duc, ils l’ont envoyé, lui aussi, faire pénitence de ses péchés dans l’autre monde. Les uns disent qu’on l’a noyé, d’autres qu’on l’a étranglé ; mais il est certain qu’il est mort. » L’ambassadeur de Ferrare, Costabili, raconte qu’il fut étranglé par Micheletto, dans une tour du Transtevère, sous les yeux du Valentinois, caché en un lieu où l’on ne pouvait l’apercevoir. » L’orateur vénitien termine sa dépêche sur la fin de Trozzo par ces paroles : « Maintenant ils restent privés des hommes qui les servaient le mieux dans tous leurs crimes. Le duc n’a plus que Remolines et don Micheletto, qui s’attendent à un malheur prochain. »
Mais la tragédie allait finir brusquement. Au moment où le pape, forcé de se décider à bref délai entre la France et l’Espagne, ne savait plus, dit Giustinian, « où reposer sa tête, » et se voyait à la veille d’une guerre désastreuse, dont Venise profiterait pour envahir les états du duc, la mort vint le tirer d’embarras. Déjà, le 11 juillet, il s’était trouvé indisposé, peut-être par une indigestion ; l’orateur vénitien le vit, couché sur un lit de repos, tout habillé, « avec un bon visage. » Le 14 le pape reçut Antonio dans la salle des