types et des formes différens de ceux auxquels ils se substituaient chaque fois, de ceux aussi devant lesquels ils durent plus tard se retirer eux-mêmes.
L’impression que l’on ressent au sein d’une vaste et profonde forêt, celle qui résulte de la vue de tant d’arbres de tout âge, dont les plus vieux tombent de vétusté après avoir traversé des siècles, est une impression de durée, mieux encore, de pérennité. En dehors de l’homme armé d’un terrible pouvoir de destruction, qui déracinerait ces géants? Quelle action concevoir qui parvienne à les exclure du sol qu’ils possèdent si complètement, qu’ils couvrent de leur ombre et au fond duquel plongent leurs racines? Il semble au premier abord que le globe ait vu naître ces associations au jour de sa jeunesse, comme un produit naturel et une parure spontanée, et cependant un jugement pareil, en dépit de sa vraisemblance, égarerait absolument. Les forêts, en définitive, loin d’être toujours pareilles à elles-mêmes, loin de s’être perpétuées depuis l’origine des choses avec la même ordonnance, ont au contraire beaucoup changé dans le cours des âges. Celles que nous avons sous les yeux, spécialement en Europe, en ont remplacé d’autres plus anciennes, et ces substitutions ont eu lieu à plusieurs reprises, tantôt à l’aide de modifications partielles, tantôt aussi, lorsqu’on interroge un passé lointain, dans de telles conditions que l’ancienne ordonnance n’ait plus avec la nôtre que des rapports indirects ou lui soit même totalement étrangère.
Telle est la loi ; mais il fallait encore en établir le « mécanisme » ou procédé de fonctionnement, et depuis qu’un esprit sérieux ne saurait admettre qu’à chaque révolution végétale, à chaque renouvellement successif, ait correspondu une destruction totale des élémens antérieurs, suivie d’une nouvelle création conçue de toutes pièces, il est nécessaire, et pour ainsi dire forcé, de chercher dans l’ordonnance qui précède la raison d’être de celle qui l’a remplacée. Cette manière de voir implique un enchaînement sans fin de causes et d’effets, de formes ancestrales et de formes dérivées, sortant les unes des autres, se prolongeant, s’irradiant, se cantonnant d’abord pour s’étendre ensuite de nouveau et, en ce qui touche plus particulièrement les types du règne végétal, émigrant pour suivre une direction déterminée. Si l’on s’attache à cette direction, on reconnaît qu’elle se résume, pour les végétaux, dans une marche du nord au sud, à la recherche de régions et de stations plus favorables, mieux appropriées aux exigences des adaptations acquises, à mesure