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que la température terrestre perd ses conditions premières, que les latitudes se prononcent et que la zone arctique, d’abord adéquate à la zone tempérée, elle-même longtemps chaude, tend à se refroidir et à se différencier de plus en plus. Le cercle polaire constitue ainsi une barrière de plus en plus accusée, de moins en moins accessible, finalement fermée à la végétation arborescente ; tandis que, sous l’impulsion du même mouvement, la zone tempérée actuelle se refroidit dans une mesure équivalente, s’appauvrit et se dépouille peu à peu d’une partie notable de ses richesses végétales. Les restes échappés à cette élimination, à ces retraits successifs et multipliés qui remplissent la seconde moitié des temps tertiaires, se retrouvent encore épars et amoindris au sud de cette zone et sur des points où l’abaissement moins sensible de la température leur a permis de se maintenir accidentellement.

C’est en vertu de ces considérations et de cette marche présumée que l’on arrive à constater des liens entre les espèces actuelles et les espèces fossiles, et des indices révélateurs d’une filiation des premières par les secondes. Il existe même des rapports qui ne sont pas à négliger entre certains types vivans et d’autres qu’on aurait pu croire entièrement perdus, et mieux encore entre des associations forestières actuelles, prises séparément, et celles qui se sont succédé de période en période, en se partageant le cours des âges. On conçoit à cet égard que, plus on remonte dans le passé, plus on s’adresse à un ordre de choses lointain, moins aussi ces rapports se trouvent saisissables. — De toute la végétation carbonifère, il n’est resté que des types isolés ou plus ou moins amoindris, tels que les prèles, les fougères, les lycopodes ; le ginkgo, cet arbre singulier du Japon, peut-être aussi le dammara de l’archipel indien, comptent pourtant des ancêtres reconnaissables jusque dans cette époque reculée. Des temps secondaires, il a survécu des épaves plus nombreuses, toujours éparses cependant : ce sont des araucarias, des cèdres et des pins, certains thuyas ; on peut ajouter à l’énumération quelques colonies de cycadées disséminées au sud de la ligne, en Australie ou dans l’Afrique centrale. Lors de la craie, les arbres « feuillus, » qui se montrent alors pour la première fois, ont quelque chose de flottant et d’imparfaitement déterminé ; on voit que l’évolution et la physionomie caractéristique des principaux groupes de cette catégorie tendent encore à se fixer. Le magnolier et le tulipier, le platane, le lierre et quelques autres végétaux datent pourtant de cette époque et n’ont plus guère varié depuis cet âge. Mais en dehors de ces types constitués de bonne heure, les modifications de la flore européenne ont été depuis si profondes et répétées à tant de reprises qu’aucun ensemble, parmi ceux qui existent sous