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dans la seconde moitié du pliocène, les végétaux recueillis par M. Marion dans les sédimens vaso-marneux de Durfort (Gard), d’où les ossemens de l’éléphant méridional ont été extraits, ceux aussi que le même savant a retirés des tufs de la Valentine, près de Marseille, prouvent que les chêne ? de la Calabre, du Portugal et de l’Asie antérieure, le planère du Caucase, divers lauriers, la vigne et même un palmier, peuplaient encore les collines et le bord des eaux dans la France méridionale. La plupart de ces végétaux, auxquels il faut joindre le laurier-rose, s’avançaient alors plus au nord qu’ils ne le font aujourd’hui, accusant un dernier refoulement d’espèces, opérant un retrait définitif à l’approche du quaternaire.

Cette marche, parfaitement logique et presque régulière dans son mode de fonctionnement, tient en résumé à des changemens de climat, changemens eux-mêmes en relation avec rabaissement progressif de la température terrestre. Elle tient aussi, dans un ordre parallèle de phénomènes, à l’épuisement de certaines races et au développement, à l’essor concomitant d’autres races jeunes et nouvelles, favorisées par les circonstances mêmes auxquelles les races atteintes et déprimées avaient dû, au contraire, leur élimination.


III.

En considérant tous les élémens de à question, on trouve que c’est par l’extension, à un moment donné, de races végétales préalablement localisées et réalisant une certaine somme de variations que les espèces se constituent à leur point de départ. Une fois caractérisée, c’est-à-dire après l’acquisition d’un ensemble de caractères, d’abord flottans, puis héréditairement fixés, l’espèce devenue permanente se l’est cependant que d’une façon relative, tant qu’il existe en elle des parties susceptibles de se différencier de nouveau. C’est de la proportion des élémens demeurés variables, relativement à ceux qui ne doivent plus changer, que dépond l’amplitude des limites entre lesquelles il est donné à l’espèce de se mouvoir à travers le temps. Les oscillations morphologiques dont elle offre l’exemple se trouvent ainsi déterminées par ses propres tendances à subir plus ou moins facilement les excitations venues da dehors. — De là d’évidentes inégalités de la notion spécifique, tantôt ramenée à d’obscures nuances, tantôt nettement tranchée, surtout à la suite de l’exclusion répétée des formes intermédiaires.

En effet, il existe sous nos yeux des espèces flottantes, que nul le limite précise ne saurait circonscrire, et d’autres, au contraire, fixées dans leurs moindres traits, qui ne sont plus susceptibles que d’insignifiantes variations. Les formes de la dernière catégorie, telles