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que, par exemple, les séquoias d’Amérique et les cèdres de l’Atlas, persistent sur les lieux dont elles ont pris un jour possession, où certaines d’entre elles se trouvent refoulées et cantonnées, tant que des circonstances tout à fait contraires ou l’intrusion de formes plus vigoureuses ne parviennent pas à les exclure définitivement. On voit, par cette manière d’envisager les choses, que les relations des espèces arborescentes actuelles avec celles des anciens âges ne sont que la conséquence dernière d’une marche ou d’un antagonisme longtemps poursuivi et qui doit forcément laisser des vestiges. En y regardant de près, les indices de filiation des vivantes par les fossiles, loin de faire défaut, confirment pleinement notre interprétation des phénomènes d’autrefois, et les liens génétiques se découvrent à l’explorateur dès que celui-ci consent à regarder l’espèce comme ayant acquis par degrés les caractères qu’elle possède sous nos yeux et, en même temps, comme susceptible de déplacement, soit par extension, soit par refoulement.

La liaison morphologique a certainement la signification d’une parenté; mais, conformément à la nature de celle-ci, elle peut et doit varier selon les cas, plus intime ou plus éloignée, directe et immédiate, ou indirecte et collatérale. C’est à l’aide d’une méthode délicate, dirigée par une sorte d’instinct, plutôt que soumise à des règles explicites, que l’on parvient à asseoir un jugement sur les nuances analogiques dont il s’agit de définir la portée. Il est vrai qu’à mesure que l’on s’enfonce dans le passé, les chances d’observer des formes proches alliées de celles qui nous sont familières diminuent de plus en plus. Quel que soit cependant l’âge où l’on se place, une étroite ressemblance entraîne toujours la notion d’une descendance directe de la forme récente, vis-à-vis de celle qui en reproduit les traits au milieu d’un ordre de choses éloigné de celui qui a depuis prévalu. On conçoit même que la ressemblance observée soit d’autant plus décisive que l’espèce chez laquelle elle se montre appartient à une plus ancienne période. Les indices de liaison génétique peuvent ainsi remonter très haut vers le passé, et, en ce qui concerne certains types arborescens peu sujets à varier, tels que le tulipier, le magnolia, le lierre, ils se rencontrent effectivement dans un lointain des plus reculés.

Pour demeurer cependant logique et aboutir à des résultats absolument précis, un pareil ordre de recherches demande, de la part de celui qui s’y engage, qu’il ne tienne pas seulement compte du type, mais qu’il s’attache encore, si c’est possible, à l’espèce considérée en elle-même, c’est-à-dire à l’état de race, ayant son histoire particulière, dont il est parfois possible de suivre les incidens. Autant que faire se peut, le type ou réunion de formes alliées, sorties