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toujours plus les divergences de ces associations, par l’exclusion croissante, dans chacune d’elles, d’une partie des types qu’elles comprenaient à l’origine. Il en résulte un appauvrissement constant des contrées du nord par rapport à celles du sud, qui gagnent, au moins par contraste, ce que les premières ne cessent de perdre. L’impulsion a tendu ainsi à la différenciation des zones, et elle a abouti à les dépouiller plus ou moins, quoique dans une proportion inégale, en rapport avec l’ordre selon lequel elles se succèdent à partir de la zone tropicale, la seule exempte de ce dépouillement.

Mais, ne l’oublions pas, parallèlement à ce mouvement, opéré d’ailleurs avec une extrême lenteur, et en harmonie avec lui, un autre mouvement, celui-ci purement organique et évolutif, bien qu’incité, sinon dirigé par le premier, n’a cessé de pousser au développement et à la différenciation morphologique des divers groupes de végétaux, de ceux en particulier qui, relativement jeunes et demeurés plastiques, étaient susceptibles par cela même de donner naissance à des formes nouvelles, et, par dédoublement successif, à des types nouveaux. Ce sont les angiospermes surtout, catégorie dont les arbres «feuillus» font partie, qui, une fois en possession de la prépondérance, ont offert ce spectacle de la multiplicité croissante des races et des formes. Cette multiplicité n’a pu que s’accroître; les déplacemens eux-mêmes, résultat assuré de l’abaissement des climats, y ont aidé en entraînant des changemens de stations et ouvrant des cantonnemens nouveaux aux races végétales non encore entièrement fixées. Les révolutions du sol, les attenances continentales et le relief orographique plus ou moins accusé ont constitué d’autres facteurs non moins actifs, dans cette poussée générale des espèces, plantes ou arbres, incessamment sollicitées à varier, à mesure quelles s’adaptaient au sol des régions où elles pénétraient, qu’elles allaient en s’éparpillant, qu’elles luttaient victorieusement contre des espèces rivales, utilisant à leur profit toutes les circonstances pour exclure celles-ci et les submerger ou s’associer à elles. — Tel est le spectacle que la végétation du globe n’a cessé de donner; et les forêts actuelles se montrent à nous comme le résultat final et la conséquence dernière de cette longue série d’alternatives, que résume l’expression de « combat pour la vie. »


M. DE SAPORTA.