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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 86.djvu/536

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musculaire ; et, par une analyse aussi neuve que profonde, il démontra que la netteté et la précision de nos perceptions sont en raison de la motilité de nos organes : c’est ainsi que le toucher nous donne les notions les plus précises, parce qu’il a à sa disposition le plus mobile des organes, la main, a ce compas à cinq branches, » comme il l’appelle. On démontre de la même manière la supériorité des données de la vision par le fait de la motilité de l’œil.

Le point essentiel, dans la théorie du sens musculaire, est de distinguer le sens de l’effort des sensations musculaires purement passives : « Si la conscience est un bon juge en ces matières, dit le psychologue anglais Alexandre Bain, nous pouvons dire que, dans l’effort volontaire, nous avons le sentiment d’une faculté qui s’exerce du dedans au dehors, et non point celui d’une surface sensible stimulée par un agent extérieur et transmettant une impression du dehors au dedans des centres nerveux. » Il semble donc que le sens de l’effort soit plutôt le sentiment de la production du mouvement que le sentiment du mouvement produit. Il est antérieur et non postérieur au mouvement.

Le psychologue Bain est celui qui a étudié avec le plus de soin le sens musculaire, mais avec une extrême confusion. Sans entrer dans le détail, on peut ramener, selon lui, toutes les sensations musculaires à deux grandes classes : 1° la sensation de tension ; 2° la sensation de mouvement. La tension est l’acte de l’effort en tant qu’il rencontre une résistance invincible, par exemple lorsqu’on s’efforce de soulever un poids au-dessus de ses forces, ou d’arrêter un cheval au galop. On peut distinguer trois sensations distinctes dans la sensation de tension : la pression, la traction et le poids ; la première a lieu quand nous voulons écraser un objet, par exemple une noix, par le moyen des mains ; la seconde, quand nous voulons entraîner un objet, par exemple un cheval ou un homme qui nous résistent ; la troisième, quand nous soulevons un poids. Le premier est un effort de nous-mêmes à l’objet extérieur ; le second, de l’objet extérieur à nous ; le troisième, de bas en haut. Ce sentiment de la tension est le même, soit qu’il s’agisse des muscles extenseurs ou des muscles fléchisseurs, par exemple serrer les poings ou étendre le bras. C’est en quelque sorte le sentiment de la force en équilibre avec la force extérieure, mais ayant atteint ses limites et ne pouvant aller plus loin.

Considérons maintenant ce que Bain appelle la sensation de mouvement. On s’étonne que Bain ne se soit pas d’abord demandé si une telle sensation existe[1]. Sans doute, par cela seul que nous

  1. Les idéologues français, dont on a trop oublié les travaux, avaient discuté cette question. Gérando, dans une note développée et très intéressante de son Histoire des systèmes, conteste à Tracy l’existence d’une sensation de mouvement, en tant que telle, c’est-à-dire abstraction faite de la vue et du toucher.