opérons le mouvement, il doit y avoir dans la conscience quelque chose qui y correspond ; mais ce quelque chose ressemble-t-il à ce que nous appelons un mouvement, c’est-à-dire à un déplacement dans l’espace ? On voit que la question de la sensation de mouvement se lie étroitement avec celle de la perception d’espace, c’est-à-dire à la question la plus obscure et la plus complexe de la psychologie et même de la métaphysique. Sans cette notion d’espace, la sensation musculaire ne pourrait pas même prendre le nom de tension ou de contraction, car ces termes impliquent le mouvement, et le mouvement implique l’espace. Il semble que le seul caractère propre de la sensation musculaire, ce soit la fatigue. L’effort est une fatigue interne distincte de la fatigue externe, qui viendrait de causes étrangères (des fers aux pieds, des vêtemens trop étroits, une foule qui nous presse). L’effort consiste à se donner une fatigue à soi-même par la production d’un acte voulu. On voit encore ici comment les questions les plus élémentaires en apparence se compliquent des questions les plus élevées. Qu’est-ce, par exemple, qu’un acte voulu ? L’étude de la plus simple sensation enveloppe donc et engage une théorie de la volonté.
L’une des questions les plus délicates de la théorie des sensations musculaires est de la distinguer des sensations tactiles. Lorsqu’on retranche au tact tout ce qui se rapporte au sens de l’effort, que reste-t-il pour constituer le tact proprement dit ? Les sensations de température (chaud et froid), et ce que l’on appelle les sensations de contact. Mais peut-il y avoir des sensations de contact sans qu’il y ait plus ou moins pression, traction, etc. Le simple contact est-il senti, autrement que comme chaud ou froid, lorsque l’on retranche toute sensation musculaire ? Ne pourrait-on pas en revenir simplement, comme le faisait Biran, à la distinction du toucher passif et du toucher actif, celui-ci enveloppant l’effort ? Cependant il y a des cas pathologiques, paraît-il, où le toucher subsiste, tandis que le sens musculaire est aboli, par exemple où le malade, les yeux fermés, ne saurait dire où sont ses membres, si le bras est élevé ou baissé, etc. ; mais ce cas se rapporte à la question de la localisation des sensations, autre question des plus complexes, et à celle de la perception de notre propre corps, qui ne l’est pas moins.
Reste enfin la question physiologique proprement dite, à savoir le siège de la sensation musculaire. Ici, deux théories sont en présence. Suivant les uns, le sentiment de l’effort musculaire est lié au courant de sortie de l’influx moteur (théorie centrifuge). Suivant