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Quoi qu’il en soit de ces objections, il reste de la psychophysique certains résultats positifs. Ce sont, par exemple, les recherches de Weber sur les plus petites différences perceptibles. Voici les faits : Weber a observé que, si l’on compare deux lignes presque égales, la plus petite différence que l’on puisse saisir par la vue est de 1/50e environ de la plus courte, quelle que soit la longueur des lignes comparées (1 centimètre, 1 décimètre, 1 mètre). De même, pour qu’un poids soit jugé supérieur à un autre poids, il faut qu’il le surpasse d’une fraction qui varie de 1/30e à 1/50e, suivant les individus. — On peut considérer aussi comme ayant une valeur positive les recherches faites sur la durée des sensations et des actes mentaux ; mais il faut renvoyer pour ces recherches aux traités spéciaux.


II

La question de l’hérédité est aussi une de ces questions nouvelles que la psychologie physiologique a introduites en philosophie. Jusqu’à ces derniers temps, l’hérédité était un fait omis dans tous les traités de psychologie. Aussi bien dans l’école de Condillac que dans celle de Reid ou dans celle de Jouffroy, l’individu était considéré comme un tout absolu, se suffisant à lui-même, n’ayant aucune racine dans le passé. Ici encore, il faut remonter jusqu’à Malebranche pour trouver un philosophe qui ait dit qu’il passe quelque chose des parens dans les enfans. De nos jours, ce sont les écoles dites rétrogrades qui, dans un intérêt social et religieux, ont seules attaché quelque importance à l’hérédité. Cependant les médecins avaient dû diriger leur attention de ce côté, et ils avaient incidemment rencontré des faits d’hérédité morale et psychologique. Le remarquable livre du docteur Prosper Lucas contient ainsi, sous une forme très confuse, un assez grand nombre, de faits de ce genre. C’est M. Ribot qui a fait passer cette question du domaine purement médical dans le domaine philosophique. On peut voir dans son savant ouvrage tous les faits qui militent en faveur de cette doctrine. On pourrait presque l’établir a priori, car il est certain que l’hérédité joue un rôle dans le physique ; tout le monde reconnaît l’existence des maladies héréditaires ou de la ressemblance des enfans aux parens. Or le physique exerce, de l’aveu de tous, une influence certaine sur le moral. Il s’ensuit que ce qui se transmet par le