Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 86.djvu/551

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un spiritualiste déclaré, le rénovateur du leibnitianisme en Allemagne ; Helmholtz, le grand physicien, est un kantien ; Wundt, le chef de l’école, est également un kantien ; il déclare que la physiologie peut rendre compte des facultés inférieures et non des facultés supérieures de l’esprit humain ; Fechner, le célèbre inventeur de la loi qui porte son nom, est un illuminé bien plus près d’être spirite que matérialiste ; Weber est un pur physicien, indifférent entre les systèmes de métaphysique. Ainsi, parmi les maîtres les plus autorisés de la science nouvelle en Allemagne, aucun n’est matérialiste. Je ne dis pas qu’il en soit de même de tous les physiologistes qui s’occupent de ces questions ; mais la science en elle-même est désintéressée entre les deux doctrines ; elle peut s’associer à l’une comme à l’autre.

Maintenant, il faut être juste, et ne pas s’en tenir uniquement aux apparences. Il est clair qu’une science qui s’occupe des conditions physiologiques de la pensée, c’est-à-dire du rôle de la matière dans les opérations de l’esprit, aura toujours une apparence ou une couleur de matérialisme. Si Descartes n’avait écrit que la première partie du Traité des passions, en quoi ce traité se distinguerait-il de l’Homme-Machine de Lamettrie ? Supposons maintenant que, par suite de la multiplication des objets d’études, et par la division du travail, qui s’introduit de plus en plus dans les sciences, le savant borne ses études à ce premier ordre de recherches, sans y ajouter le correctif, comme a fait Descartes dans la troisième partie des Passions, le fera-t-on passer aussitôt pour un matérialiste ? Non, sans doute. Qu’il laisse les questions ouvertes : c’est tout ce qu’on a à lui demander.

Un second droit qu’on ne peut méconnaître à la psychophysiologie, c’est le droit de constater et d’affirmer des faits vrais, que ces faits, d’ailleurs, soient ou ne soient pas agréables à telle ou telle doctrine. Par exemple, le fait récemment mis en lumière de la suggestion hypnotique a effrayé beaucoup de bons esprits qui ont cru y voir le renversement de l’ordre moral et social. C’est une grande exagération et une crainte parfaitement chimérique ; mais ce n’est pas par là qu’il faut considérer la question. Un fait est toujours un fait, quelles qu’en soient les conséquences. La question est de savoir si le fait est vrai ; il n’y en a pas d’autre pour le savant. Rien de plus dangereux que la dynamite ; cependant la force explosive de cet agent ne peut être mise en doute : c’est à nous de savoir nous en servir. Il en est de même des altérations morbides qui peuvent atteindre telle ou telle faculté, quelque indépendantes qu’on soit tenté de les supposer des conditions organiques. Telles sont, par exemple, les maladies de la volonté et de la personnalité, dont M. Ribot nous fait