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cocotiers et de pandanus ; à l’ouest se dressent de magnifiques falaises, boisées jusqu’aux sommets, d’où se précipitent des cascades de 300 à 700 mètres de hauteur. Au nord et à l’est, les volcans ont laissé les traces encore récentes de leurs ravages : de grands fleuves de lave figée, striant de raies noires et miroitantes des plaines arides, revêtues d’une végétation rabougrie et de rocs calcinés, parmi lesquels errent en paix de vastes troupeaux de chèvres. L’intérieur de l’ile, qui mesure 30 lieues de longueur sur à peu près autant de largeur, est éminemment propre au pâturage ; les hauts plateaux nourrissent de nombreux troupeaux ; les vallées fertiles et bien arrosées contiennent de riches plantations de cannes à sucre.

Essentiellement ichthyophage, la population se groupait autrefois sur le bord de la mer, loin des volcans situés plus avant dans les terres. Sur la plage, des cocotiers élancés, des pandanus aux racines multiples, des haos à l’ombre épaisse, aux fleurs changeantes, blanches le matin, jaunes à midi, rouges le soir, des orangers chargés de fleurs et de fruits sous un ciel toujours pur, abritaient des ardeurs du soleil les huttes indigènes et les pirogues creusées dans un tronc d’arbre à l’aide d’outils de pierre.

Séparée de Havaï par un chenal de 10 lieues de largeur, l’île de Mauï offrait à peu près le même aspect, sauf que les volcans, silencieux depuis de longues années, n’y troublaient plus la sécurité des habitans. Halé-a-Ke-la (la maison du soleil), montagne de 10, 000 pieds, rappelait seule, par sa hauteur, les colosses volcaniques d’Havaï. Aucun arbre, aucune végétation ne recouvraient ses flancs noircis ; des roches énormes, que l’on eût dit lancées par la main des géans, se superposaient les unes aux autres dans un effroyable désordre. Au-delà, des montagnes moins élevées, une couche d’humus plus profonde, d’épaisses forêts, attestaient que, depuis longtemps, les volcans étaient éteints, les laves refroidies, et que la nature poursuivait en paix son œuvre de désagrégation et de transformation.

Dans l’ouest, hors de vue, à 80 lieues de distance, l’île de Kauaï se dressait coquette et charmante. De jolis cours d’eau y promenaient leurs méandres capricieux ; les traces volcaniques disparaissaient. Partout, dans cette dernière ile, la nature avait jeté son manteau de verdure sur les convulsions des siècles écoulés.

Entre Mauï et Kauaï, on relève les collines d’Oahu. Très élevées encore, elles n’ont plus l’aspect imposant des montagnes d’Havaï. Leurs flancs arrondis sont couverts d’une herbe épaisse. Seule, la pointe du Diamant, sentinelle avancée de l’ile, soulève au-dessus des flots sa crête sourcilleuse et ses arêtes dénudées, dorées par le soleil. Ce cap doublé, on aperçoit à l’extrémité d’une côte semée de cocotiers, de villas ombragées de grands arbres, l’entrée du port