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souvent partie de la Prusse. Sans parler de la guerre de l’indépendance entreprise pour délivrer le sol national, n’est-ce pas le roi de Prusse qui a attaqué la France de 1789, rien que pour combattre les principes de la révolution dont sont sorties la liberté politique et la proclamation des droits de l’homme ? N’est-ce pas également un ultimatum prussien du 25 septembre 1806 qui a fait éclater le téméraire conflit résolu par les désastres d’Auerstaedt et d’Iéna, et par ce traité de Tilsit où faillit s’engloutir la monarchie du grand Frédéric ? Les cris insensés de la marche sur Berlin, poussés lors de la déclaration de guerre à la Prusse, faite par Napoléon III en une heure d’affolement, n’effacent pas le manifeste ridicule du duc de Brunswick, en date du 25 juillet 1792, pour annoncer la « promenade militaire » des campagnes de Valmy et de Jemmapes ! Et c’est d’un cœur également léger, d’un esprit aussi irréfléchi et imprévoyant, avec une présomption injustifiable à aucun titre, que la cour et les conseillers de Frédéric-Guillaume III ont entraîné le peuple prussien dans ces guerres malheureuses des années 1806 et 1807, dont les plaies ne sont pas encore complètement guéries. Erreurs pour erreurs, un juge impartial constate les mêmes fautes de part et d’autre du Rhin, relève des griefs semblables, également fondés, auxquels le salut commun conseille de faire trêve, sinon de les reléguer dans l’oubli.

Au lieu de l’oubli des haines nationales, les adversaires en présence, rebelles aux conseils de la raison et au sentiment de l’humanité, s’appliquent davantage à entretenir la discorde. Dans les écoles de l’Alsace, les hommes chargés de veiller sur l’éducation populaire et de former les générations nouvelles ne rougissent pas de contraindre de petits enfans à chanter des chants soi-disant patriotiques, remplis d’injures pour leurs pères, battus comme soldats français. Les égaremens du patriotisme, qui ne cessent de désigner la France comme l’ennemie héréditaire, et dénoncent au monde ses convoitises iniques, ont réclamé la conquête de l’Alsace-Lorraine bien avant l’événement, contre le gré manifeste de ses populations. Les mêmes voix allemandes qui se sont élevées pour secouer le joug étranger de leur patrie prêchent l’assujettissement des pays voisins. Écoutez seulement Arndt, l’émule poétique de Koerner, le collaborateur de Stein et de Scharnhorst pour la rénovation nationale ! Arndt a enflammé l’Allemagne plus qu’aucun autre, pour exciter au sein de la nation l’enthousiasme de la revanche contre Napoléon. Mais après avoir chanté le Valerlandslied, après avoir rédigé le catéchisme pour le soldat allemand, Katechismus für den deutschen Kriegs-und Wehrmann, après avoir expliqué au peuple ce que signifie l’institution de la landwehr et du landsturm, au point de vue de la défense du territoire, il a écrit