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contemporains. Aussi les deux artistes jouirent-ils en leur temps d’une grande renommée.

Ni l’un ni l’autre n’étaient originaires de Harlem, mais de bonne heure tous deux s’y étaient fixés. Molyn, né à Londres vers la fin du XVIe siècle, était arrivé bien jeune encore en Hollande. Dès 1616, il faisait à Harlem partie de la gilde de Saint-Luc, dont il devenait le doyen en 1633. Il s’était marié en 1624 dans cette ville, où il était également affilié à une compagnie de francs-tireurs. C’était un dessinateur excellent, plein de fécondité et de verve, ainsi que l’attestent les nombreux et charmans croquis que possède de lui le musée Teyler. Quant à ses peintures, la finesse et la perfection de quelques-uns de ses tableaux, disséminés dans les musées de l’Europe, suffiraient à nous convaincre de leur mérite. Leur rareté était restée jusqu’à ces dernières années assez inexplicable, mais les recherches récentes faites par M. Olof Granberg dans les collections privées de la Suède nous ont appris que la plupart des œuvres de l’artiste avaient été autrefois accaparées par les amateurs de cette contrée. Quant à Esaias Van de Velde, issu d’une famille émigrée d’Anvers et dans laquelle le talent devait être héréditaire, il était de son temps encore plus en vue que Molyn. Si, en traitant les mêmes sujets que lui, il montre une exécution moins souple et un fini moins délicat, il y manifeste en revanche plus de décision et plus d’ampleur. Comme son confrère, il s’était marié (1611) à Harlem, où il était inscrit non-seulement sur les listes de la gilde (1612), mais sur celles de la chambre de rhétorique (1617-1618). C’était de plus un patriote très fervent, très militant, fort attaché à la grande cause de l’indépendance nationale. Les sujets qu’il traitait, aussi bien que le mérite même de sa peinture, attiraient bientôt sur lui l’attention du prince Maurice, qui le mandait auprès de lui à La Haye (1618), et, après avoir été honoré de sa faveur, Esaias retrouvait dans le prince Frédéric-Henri, son successeur, un protecteur tout aussi dévoué.

L’influence que P. Molyn et Van de Velde exercèrent sur l’art de cette époque fut considérable, celle de ce dernier surtout, puisqu’il devait tant contribuer au développement de Van Goyen, et, par conséquent, à la création du paysage hollandais. Né à Leyde en 1596, Van Goyen n’était guère plus jeune que Van de Velde, et, avant de recevoir ses leçons, il avait fréquenté plusieurs autres ateliers, notamment celui d’Isaac Swanenburch, le père du maître de Rembrandt, et celui de G. Van Schilperort, un peintre peu connu aujourd’hui, mais qui jouissait alors de la réputation d’un homme de goût et d’un lettré. Il faut croire que le jeune artiste était peu satisfait des enseignemens qu’il avait trouvés jusque-là, car, après avoir eu déjà cinq maîtres, il avait encore été pendant un an l’élève