Si Ruysdael n’a jamais cessé de s’inspirer de cette nature mélancolique et grandiose, il a cependant cherché dans d’autres parties de la Hollande des sujets d’étude. Rarement, il est vrai, il a peint, — ainsi que l’avaient fait son oncle Salomon et Van Goyen, — le cours des grands fleuves, et l’on ne peut guère citer que comme une exception ce Moulin à vent de la collection Van der Hoop, dont il a trouvé le motif sur les bords du vieux Rhin, aux environs de la petite ville de Wyck-by-Dursteede, encore facilement reconnaissable à sa tour tronquée. L’œuvre, il est vrai, est de prix, et Fromentin en a fait ici même un légitime éloge. Dans l’interprétation de ce motif qu’avaient si souvent traité ses prédécesseurs, Ruysdael s’est montré à la fois très puissant et très personnel. D’après la configuration assez accidentée des terrains, d’après leur végétation et la forme même des collines qu’on peut observer dans un assez grand nombre de ses paysages, il est permis de penser qu’ils lui ont été inspirés par une même contrée, que l’on croit être la Gueldre ou l’Over-Yssel, sur les confins du Hanovre. Au sein de ce pays retiré, sauvage, l’artiste amassait des impressions nouvelles qu’il a, bien souvent aussi, fixées dans des tableaux importans qui appartiennent à sa première époque. C’est de là qu’il rapportait les études du Monastère, de la galerie de Dresde, et celles de ce beau paysage du musée de Brunswick, dans lequel il a rendu avec une si pénétrante harmonie le charme d’une après-midi d’été, tiède, demi-voilée, pleine de silence et de molles langueurs. Au premier plan, fortement attaché au sol par ses puissantes racines, un grand chêne, au tronc noueux, élève jusqu’au haut du ciel sa robuste, ramure. A gauche, un large chemin gravit une pente assez raide, et de l’autre côté, dominant le pays, une chapelle, une tour et quelques autres constructions semblent les dépendances d’un riche domaine. Des forêts montent du fond de la vallée jusqu’au sommet des coteaux. Le soleil est caché, et dans l’air assoupi les feuillages tranquilles se dessinent nettement ; à peine si un léger souffle balance doucement des épis mûrs dans un champ voisin. Il y a comme un accord secret entre la beauté du site, la tiédeur de l’atmosphère, la limpidité de la lumière et l’exécution même de cet ouvrage accompli. Tandis que souvent, chez Ruysdael, les oppositions sont plus tranchées, les colorations plus froides et les végétations plus tourmentées, cette fois les intonations ont gardé leur transparence, les formes leur souplesse, et une impression de sérénité, de bonheur et d’apaisement se dégage de cette aimable nature. Mais les forêts de cette région privilégiée devaient inspirer au maître des œuvres encore plus originales et plus élevées. Comme
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